Affaire de principes

Comment va-t-on payer pour ça ? C’est la grande question qui se pose à chaque cycle électoral avec Québec solidaire. De toutes les formations représentées à l’Assemblée nationale, c’est la seule qui défende l’interventionnisme d’État dans sa forme la plus optimiste, comme aux beaux jours du grand soir.

Québec solidaire a présenté un cadre financier qui tient en deux pages. Le parti promet de dégager, dans la quatrième année du mandat, des surplus de 12,9 milliards de dollars (en hausse de 10 % par rapport au budget) afin de financer ses engagements. C’est le premier d’une longue série d’angles morts. La formation ne souffle pas un mot sur la réalité budgétaire qui prévaudrait lors des trois premières années de son mandat.

Des doutes pèsent sur le réalisme de certaines mesures. À titre d’exemple, la réforme de la fiscalité des entreprises, visant à faire passer le taux d’imposition des sociétés de plus de 500 personnes de 11,7 % à 14,5 %, pourrait dégager 2,17 milliards en revenus, en théorie. Mais a-t-on évalué son impact potentiel sur l’exode des entreprises et le maintien des emplois ? Ces entreprises, ne l’oublions pas, prennent leurs décisions d’affaires sur un terrain de jeu plus vaste que les limites du Québec.

Le cadre est rempli de ces questions sans réponses, si bien que l’Association des économistes québécois juge l’exercice « incomplet ». À la défense de Québec solidaire, aucun parti n’a la science infuse lorsqu’il est temps de présenter un cadre financier. L’exercice est un mélange de rêves, de vertu et de prévisions plus ou moins convaincantes.

La formation codirigée par Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé présente au moins un cadre conforme à ses valeurs, en faisant passer de quatre à dix le nombre de paliers d’imposition pour les particuliers. Les citoyens gagnant moins de 95 000 $ par année ne subiraient pas de hausses d’impôts. À l’inverse, les 9 % des plus riches en paieraient plus. Le taux d’imposition serait de 26 % pour les revenus de 100 000 $ et il monterait jusqu’à 30 % pour les revenus de 250 000 $ et plus. Cette fiscalité progressive est une avenue intéressante pour dégager une marge de manoeuvre sans pénaliser davantage la classe moyenne. Un citoyen qui gagne 120 000 $ par an ne sera pas à plaindre s’il doit payer 500 $ d’impôts supplémentaires. Idem pour la volonté d’accroître les redevances minières, les redevances sur l’eau et de rétablir l’équité fiscale dans le commerce en ligne. Que du gros bon sens.

À cet égard, Québec solidaire reste fidèle à ses convictions : faire payer les riches, les nantis (lire : les médecins spécialistes) et les grandes entreprises. À défaut d’être réaliste, ce cadre est idéaliste. L’ingrédient manquant ? Une réflexion sur la qualité et le coût des services publics. S’il est un sujet qui interpelle l’électeur moderne tout autant que l’amélioration des services publics, c’est bien le contrôle des dépenses.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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