Que François Legault se lève!
Il n’autorisera pas la construction du parc d’éoliennes Apuiat sur la Côte-Nord, mais se dit prêt à relancer la construction de grands barrages. Il s’engage à rétablir le tarif uniforme dans les garderies subventionnées, mais l’une de ses candidates vedettes privilégie pourtant la formule des garderies privées. Il promet d’améliorer les systèmes de santé et d’éducation, mais fait une priorité de la lutte contre « le gaspillage » en réduisant la taille de la fonction publique ; il entend récupérer un milliard dans la rémunération des spécialistes, mais jure de s’attaquer au temps d’attente aux urgences et en salle d’opération.
Il réduira de 20 % le nombre de nouveaux arrivants et leur imposera un test des valeurs et un test linguistique, mais tous ces nouveaux immigrants seront beaucoup mieux intégrés, c’est sûr. Il accueille dans ses rangs des candidats libertariens, mais il adhère à des principes de gauche, comme l’interdiction des disparités de traitement dans les conventions collectives. Il respectera l’Accord de Paris et améliorera le transport en commun, mais il appuie à peu près tous les projets autoroutiers, y compris la construction d’un troisième lien pour Québec. Qui est-ce ?
En créant la Coalition avenir Québec (CAQ) sur les restants de l’ADQ, en 2011, François Legault disait s’engager pour dix ans. Dix ans pour devenir premier ministre. À quelques semaines des élections, les sondages lui accordent une avance sur ses adversaires, ce qui justifie qu’on lui porte plus d’attention.
En fin de semaine dernière, le président de la campagne libérale, Alexandre Taillefer, affirmait que l’élection de M. Legault menacerait la paix sociale. « Fin des commissions scolaires », « coupes massives dans la fonction publique », « privatisation de plusieurs services publics », « affrontements entre syndicats et gouvernement », François Legault est « l’éléphant dans un magasin de porcelaine », de résumer M. Taillefer. Vraiment ? Le problème, c’est que nous n’en savons rien.
Alors, que le vrai François Legault se lève ! Est-il toujours ce politicien plutôt à gauche qui fut ministre dans un gouvernement social-démocrate, ou celui qui a promis de soumettre les enseignants à une évaluation de compétence en échange d’une bonification salariale ? Celui qui veut relancer la construction des grands barrages malgré les surplus d’électricité ou celui qui veut favoriser le développement régional en élargissant le mandat d’Investissement Québec ?
Comment cet ancien indépendantiste se comportera-t-il devant Ottawa, lui qui rejette toute allusion à la souveraineté, mais qui sait bien que le Québec n’a jamais rien obtenu du fédéral sans y mettre la pression ?
Dans des publicités d’avant-campagne financées par un mouvement syndical, on présente François Legault et Philippe Couillard comme étant les deux faces d’une même figure. Pour le moment, difficile de prétendre le contraire. Mais les libéraux sont au pouvoir depuis si longtemps et leur bilan est si contesté que l’ambivalence idéologique de François Legault permet aux électeurs indécis de retenir leur souffle et leur choix définitif jusqu’au jour du vote.
Entre-temps, il y aura campagne électorale. Trente-neuf longues journées pendant lesquelles tout peut arriver. On se rappellera qu’en septembre 2002, l’ADQ de Mario Dumont était perçue comme la solution de remplacement au gouvernement du Parti québécois par 40 % des électeurs sondés. Sept mois plus tard, les libéraux de Jean Charest prenaient le pouvoir. En 2007, alors que les sondages reléguaient l’ADQ au troisième rang, elle devenait l’opposition officielle avec 40 députés devant un gouvernement libéral minoritaire.
En février 2014, trois mois avant les élections, Pauline Marois et le PQ récoltaient 40 % dans les sondages contre 34 % pour Philippe Couillard, qui a pourtant réussi à faire élire un gouvernement majoritaire. Le dernier sondage Léger-Le Devoir, réalisé à la mi-juin, plaçait la CAQ en zone majoritaire à 37 % contre 28 % pour le PLQ et 19 % pour le PQ. À presque quatre mois des élections, rien n’était joué, mais M. Legault a été omniprésent cet été, contrairement à Jean-François Lisée et Manon Massé. Cette élection est celle de la dernière chance, pour lui.
Quant au premier ministre et à ses ministres, ils n’ont pas raté une occasion de publiciser des dizaines d’engagements financiers à long terme qui ne pourront certainement pas tous se concrétiser advenant l’élection d’une autre formation. Après tout, il faudra bien sabrer quelque part pour réaliser la tonne d’autres engagements supplémentaires qui seront pris par les partis d’ici le 1er octobre. Surtout si l’objectif est de réduire les impôts, comme François Legault s’y est engagé.