Loi électorale fédérale: le grand ménage

Pressé par le directeur général des élections (DGE) par intérim, le gouvernement Trudeau a enfin accouché de sa refonte de la loi électorale. Le projet de loi présenté lundi est ambitieux, vise large et corrige les travers de la loi conservatrice adoptée en 2014. Il n'est toutefois pas sans défauts, en particulier en ce qui a trait à la protection de la vie privée.

Il était temps, a dû se dire le DGE par intérim Stéphane Perrault. Encore récemment, il craignait que le temps lui manque pour mettre en œuvre une nouvelle loi électorale à temps pour le scrutin de 2019. Un premier projet de loi nettement plus modeste, le C-33, traînait au feuilleton depuis octobre 2016, mais rien n'avait bougé depuis.

Le projet de loi C-76 reprend les dispositions de C-33, mais va nettement plus loin. Les élections étant maintenant à date fixe, on veut éviter une orgie de dépenses partisanes avant l'émission des brefs. Durant une année électorale, les dépenses des partis et des tiers seront limitées entre le 30 juin et le jour de l'émission des brefs. Durant la campagne, leurs dépenses seront aussi plafonnées. Et plus question de revivre le marathon de 2015. La campagne ne pourra durer qu'entre 37 et 50 jours.

On propose des mesures pour faciliter l'accessibilité des personnes ayant une déficience et pour encourager les candidats ayant des enfants ou prenant soin d'un proche handicapé ou malade. Les frais encourus à ces fins n'affecteront pas leur plafond de dépenses électorales et 90 % de ces dépenses seront remboursées.

La liste des améliorations est longue: meilleur encadrement de la participation des tiers, allongement du vote par anticipation, pouvoirs accrus pour le commissaire aux élections, interdiction faite aux entités étrangères de tenter d'influencer une élection, interdiction aussi de leur vendre de l'espace publicitaire. Les messages mensongers visant un parti ou un candidat seront passibles de sanctions. Et ça continue. 

On a même osé, en matière de dépenses électorales, lever une part du secret qui entoure celles des partis. Actuellement, contrairement aux candidats, les partis n'ont pas à fournir de reçus pour obtenir le remboursement de leurs dépenses électorales, un rapport financier suffit. Dans son dernier rapport sur la Loi, le DGE recommandait, «par souci de transparence et en raison de la somme considérable de fonds publics en cause», que les partis soient tenus de produire, à sa demande, des documents à l’appui de leurs réclamations. C-76 lui accorde le pouvoir de réclamer ces pièces justificatives. 

Voilà un grand ménage, mais il reste quelques taches. Le gouvernement dit avoir repris 85 % des recommandations du DGE, mais il a écarté celle, fondamentale, du commissaire à la vie privée. Ce dernier souhaite, depuis un moment, qu'en matière de protection des renseignements personnels les partis soient soumis à la même loi que le secteur privé. Cela servirait mieux les citoyens, mais cette fois encore, les intérêts des partis ont prévalu.

On a opté pour la poudre aux yeux afin de sauver les apparences. À l'avenir, pour être enregistré et le rester, un parti devra se doter d'une politique de protection des renseignements personnels, la mettre en ligne et nommer une personne pour répondre aux questions. Mais il n'y aura personne pour vérifier s'ils respectent leur politique, aucune sanction s'ils y contreviennent, aucun recours pour les citoyens.

 

Solide dans l'ensemble, C-76 doit toutefois être adopté. Peut-il l'être à temps pour être en vigueur en octobre 2019? Personne ne peut prédire le temps que prendra le Parlement, mais son étude ne doit pas être escamotée pour autant. Il en va, après tout, des rouages de notre démocratie.

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