Que Lula ne soit pas le seul à payer au Brésil
Que la lutte contre la corruption se résume à un règlement de comptes avec le Parti des travailleurs (PT), et le Brésil ne s’en trouvera que plus déchiré. Qu’à l’inverse, l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva ne soit pas le seul à payer, et le commun des Brésiliens reprendra peut-être confiance en sa jeune et fragile démocratie.
La classe politique brésilienne est, toutes tendances confondues, corrompue jusqu’à la moelle, tous les Brésiliens vous le diront. Au moins 40 % des députés et sénateurs ont des ennuis avec la justice, selon Congresso em foco, un site d’information parlementaire. Depuis 2014, la population suit au jour le jour les développements de l’enquête « Lava Jato » (lavage express) de Sergio Moro, le juge qui a méthodiquement mis au jour un gigantesque scandale de blanchiment d’argent, de pots-de-vin et de corruption politique impliquant la société d’État Petrobras et remontant jusqu’au sommet du pouvoir.
Dans ce contexte, la condamnation de Lula pour corruption, qui a abouti en fin de semaine à son incarcération après maints méandres judiciaires, constitue un point culminant dans l’histoire du Brésil. Le « père du peuple » empêché de se présenter à la présidentielle d’octobre prochain, alors que, malgré ses démêlés, il demeure le candidat le plus populaire : le climat politique au Brésil a-t-il jamais été plus polarisé depuis la fin de la dictature ? « Ils ne pourront pas emprisonner nos rêves », a déclaré Lula devant des partisans émus avant de se rendre à la police. Lava Jato a beau avoir éclairé le fait que son PT s’est lui aussi complu dans des jeux de corruption, il n’empêche que Lula est une figure capitale du combat social et que, pour beaucoup, M. Moro l’a ciblé malicieusement, à l’exclusion de tous les autres fraudeurs. En le mettant à l’ombre, le juge se trouve à créer un vide politique qui sert objectivement les intérêts de la droite.
D’où ces questions : le système politique brésilien est-il en voie d’être véritablement « nettoyé » ? Jusqu’où ira la lutte contre l’impunité ?
Le Brésil n’en serait peut-être pas là, justement, si les soupçons de politisation ne planaient pas tant sur M. Moro. Le PT n’a pas tort de crier à la machination et à la persécution. Si bien que le juge Moro aiderait sa cause et celle du Brésil en faisant tout ce qui est en son pouvoir pour chasser toute suspicion de partialité. Lire : en poursuivant sa guerre anticorruption sans épargner personne.