Réchauffement climatique: des cibles irréalistes
Est-ce pour ne pas nuire à la vente de véhicules électriques ou pour ne pas déplaire à une frange importante de la clientèle politique? Quoi qu’il en soit, le constat est simple : le coupable de la stagnation au bilan des émissions de gaz à effet de serre du Québec, ce n’est ni l’industrie ni l’automobile. C’est le camion. Le petit et le gros.
En douze ans, de 1990 à 2012, le Québec a vu ses émissions de gaz à effet de serre (GES) diminuer de 7,8 % pour passer de 89,5 à 82,5 mégatonnes (Mt équivalent CO2). La quasi-totalité de cette baisse était due à la crise de 2009 et non aux programmes gouvernementaux.
Puis, plus rien. Ou presque rien puisque, entre 2012 et 2015, les émissions ont diminué de moins de 1 %. Or, 2012 était l’année de l’adoption du Plan d’action 2013-2020 auquel on avait prévu consacrer 2,6 milliards de dollars pour la lutte contre les changements climatiques.
Dans ce plan, Québec s’engageait à réduire les GES de 20 % à l’horizon 2020 par rapport à 1990, une cible qu’il porta plus tard à -37,5 % à l’horizon 2030 et même à -80 % (-72 Mt) à celui de 2050. Des cibles plus qu’ambitieuses si on les compare à la baisse ridicule de 1 % observée entre 2012 et 2015.
Dans le Bilan de mi-parcours du Plan d’action 2013-2020 rendu public la semaine dernière, on évalue à 9 Mt sur 81 Mt la quantité de GES qu’il faudrait éliminer pour atteindre la cible de 2020, soit plus que ce qui a été fait depuis quinze ans, mais à seulement 3,6 Mt le potentiel atteignable avec les mesures mises en place à l’heure actuelle.
À la défense du gouvernement, il faut préciser que la population du Québec a crû de 18 % entre 1990 et 2015. Cela revient à dire que nos émissions par habitant ont quand même diminué.
En comparaison avec le reste du pays, le Québec émet moitié moins de GES par habitant que la moyenne canadienne grâce à l’hydroélectricité et à un PIB moins élevé.
Cela étant dit, on peut douter du réalisme des cibles fixées. Comment peut-on croire possible de réduire nos émissions de 9 Mt annuellement d’ici 2020 alors qu’elles n’ont à peu près pas diminué depuis 2012 ?
Il y a bien sûr l’entrée en vigueur du marché du carbone, dont les effets commencent à se faire sentir, et l’électrification des transports, dans laquelle on place beaucoup d’espoir, voire beaucoup trop, compte tenu des résultats très marginaux qui sont attendus.
L’analyse des données compilées entre 1990 et 2015 nous apprend que la quasi-totalité de la réduction des émissions obtenue est due à la disparition ou à la modernisation des industries (- 7,6 Mt). Les deux autres sources de réduction ont été une plus grande efficacité dans le chauffage des maisons, des commerces et des établissements (-2,4 Mt) et une meilleure gestion des déchets (-2,8 Mt).
En revanche, le secteur des transports s’est très mal comporté tout au long de cette période avec une augmentation nette de 6 Mt de GES annuellement.
Or, en matière de transports, tous ne sont pas égaux. Alors que les transports maritimes et aériens ont légèrement amélioré leurs résultats, le transport routier a effacé à lui seul la plus grande partie des gains enregistrés ailleurs avec une augmentation de 7 Mt en 2015 par rapport à 1990.
Là encore, tous ne sont pas égaux. On accuse l’auto solo de tous les maux, surtout lorsque entrent en scène les problèmes de congestion urbaine. Mais en matière d’émissions de GES, la voiture individuelle a vu son bilan s’améliorer globalement de 48 % en passant de 17,9 Mt en 1990 à 9,3 Mt en 2015 grâce à un rendement énergétique supérieur et à la place plus grande accaparée par les camions.
Parlant camions, les plus lourds ont vu leurs émissions presque tripler en 15 ans (de 3,9 Mt à 9,7 Mt) polluant aujourd’hui davantage que l’ensemble du parc automobile, et les camions légers (VUS, pick-up) doubler (de 4 Mt à 7,7 Mt).
À eux seuls réunis, camions lourds et légers sont donc responsables de 27 des 81 Mt émises chaque année malgré l’amélioration de la performance énergétique.
Pour renverser la tendance, il existe une foule de moyens efficaces comme l’intermodalité, le transport par train, la réduction de la vitesse à 90 km/h pour les poids lourds et celle du poids de leur chargement, une taxation dissuasive à l’achat d’une grosse cylindrée ou d’un camion léger à des fins personnelles, etc.
Si nos gouvernements étaient sérieux, c’est là qu’ils concentreraient leurs efforts au lieu de gaspiller la plus grande partie des 3,7 milliards prévus au Plan d’action 2013-2020 à s’activer dans mille et un projets qui ne changeront à peu près rien au bilan final.
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