À la prochaine, mesdames, messieurs
Les employés de Service Canada ne devraient plus, au premier contact avec un citoyen, s’adresser à lui en utilisant les formules de politesse « Monsieur » et « Madame ». Selon une note interne obtenue par Radio-Canada, un employé devrait d’abord demander comment le citoyen souhaite être salué et, si ce dernier refuse ces formules, on devrait s’abstenir de les utiliser avec lui.
Dans sa note envoyée aux gestionnaires à la mi-janvier, Service Canada expliquait vouloir que les fonctionnaires utilisent « un langage neutre au niveau du genre » afin d’éviter de donner l’impression d’un biais « envers un genre ou un sexe ».
Cette démarche découle d’un examen entrepris à l’échelle du gouvernement fédéral à la suite d’une plainte faite en 2012 auprès du Tribunal des droits de la personne par une personne transgenre qu’on avait abordée sans égard à son genre et dont on refusait de modifier le dossier d’assurance sociale. L’affaire a été réglée à l’amiable et, depuis, le gouvernement revoit l’ensemble de ses pratiques et systèmes pour les rendre neutres. Il n’est plus nécessaire, par exemple, d’indiquer le sexe dans le passeport. Le nom du citoyen uniquement est de plus en plus utilisé dans la correspondance. Les formulaires sont modifiés pour permettre de choisir la formule de politesse appropriée ou pour rendre les demandes d’information asexuées. Ainsi, on ne parlera plus de mère ou de père, mais de parent.
Il n’y a rien à reprocher à ce qui est un désir d’inclusion. Mais de là à demander à un fonctionnaire d’écarter les formules de politesse courantes lors de son premier échange avec un citoyen, le temps de vérifier sa préférence, il y a une marge. Ça ressemble à un cas d’hypersensibilité, sinon de rectitude politique.
Le ministre responsable de Service Canada, Jean-Yves Duclos, s’en est défendu après avoir été mis sur la sellette mercredi. Son bureau s’est empressé de faire savoir qu’il ne s’agissait pas d’une directive, mais d’une simple note de service, inexacte par ailleurs, destinée à des gestionnaires pour les inviter à parler avec leurs employés de cet aspect du service aux clients. On soutient que les fonctionnaires devront toujours utiliser leur jugement, mais dans le doute quant au genre, vérifier auprès du citoyen la meilleure façon de l’aborder. On souligne que les formules courantes ne sont nullement écartées.
Ce message, déjà plus sensé, semble ne pas avoir été compris. Il faut qu’il le soit, et sans attendre. Si une personne a le droit de ne pas vouloir être abordée avec les mots « Monsieur » ou « Madame », la très grande majorité de la population, elle, les considère toujours comme la marque de la courtoisie la plus élémentaire.
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