Transparence gouvernementale: un bilan en demi-teinte à Ottawa

Jeudi prochain, Caroline Maynard remplacera Suzanne Legault à la tête du Commissariat à l’information. Juriste émérite, elle arrive à ce poste sans expérience en ce domaine et alors que le gouvernement pousse son projet de réforme de la Loi sur l’accès à l’information (LAI).

Les mérites de Mme Maynard ne sont pas mis en doute, mais elle devra mettre les bouchées doubles pour prendre le relais de Mme Legault. Cette dernière, qui a bataillé ferme sous les conservateurs, estime que le gouvernement Trudeau ne respecte pas toutes ses promesses en matière d’accès à l’information.

La refonte de la LAI, présentée le 19 juin dernier, est la première réforme de cette importance en 34 ans. Malgré cela, le gouvernement n’a pas cru bon de consulter la commissaire, et le projet de loi C-58, actuellement à l’étude au Sénat, est un « pur produit de la bureaucratie » et un « recul » pour le droit d’accès à l’information, a souvent dit Mme Legault.

Des amendements ont été apportés aux Communes, mais les problèmes recensés n’ont pas tous été corrigés. Les bureaux du premier ministre et des ministres, par exemple, ne seront toujours pas assujettis à l’ensemble de la loi, alors que c’était une promesse électorale. On a seulement rendu obligatoire la divulgation proactive de documents déjà fréquemment obtenus en vertu de la LAI. Le commissaire aura enfin le pouvoir d’ordonner la divulgation de documents, mais la Cour fédérale sera le seul recours d’un ministère mécontent, ce qui peut prendre des années. Préoccupés, des sénateurs promettent de regarder le projet de loi à la loupe.

Soucieux de se démarquer du gouvernement Harper, Justin Trudeau avait fait de la transparence un thème important de sa campagne de 2015. La refonte de la LAI en était une promesse phare. Il est allé de l’avant, mais en se ménageant des portes de sortie.

Après plus de deux ans au pouvoir, son bilan en matière de transparence est en demi-teinte. Confronté à la réalité du pouvoir, il adopte graduellement une posture défensive. Même le directeur parlementaire du budget et le vérificateur général y ont goûté, devant étaler leurs difficultés sur la place publique pour avoir accès à certaines données.

En revanche, les libéraux ont tenu parole à l’endroit des scientifiques fédéraux. Ils leur ont redonné leur liberté de parole dès la première réunion du cabinet en novembre 2015, et ce droit a été inscrit dans les conventions collectives signées depuis.

Le gouvernement devra cependant rappeler à l’ordre certains gestionnaires, qui résistent à respecter sa volonté. Un sondage Environics, réalisé pour l’Institut professionnel de la fonction publique et dévoilé la semaine dernière, révèle que 53 % des scientifiques fédéraux se disent toujours incapables de discuter librement de leurs travaux avec la presse, certains en ayant même été empêchés. Il y a quand même un progrès puisque, en 2013, 90 % se disaient muselés.

Rendre des comptes est pourtant un devoir afin de permettre aux citoyens de faire des choix et de porter des jugements informés. C’est une nécessité démocratique qui passe, entre autres choses, par un solide régime d’accès à l’information, la liberté de parole des scientifiques et la circulation des données.

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