Quelle accessibilité?

La commission parlementaire sur les universités doit, après deux mois de consultations, accoucher d'un rapport. À quoi bon, quand les vraies décisions, grandement discutables et que nul n'a vues venir, ont été prises au budget?

Un peu plus et le ministre de l'Éducation, Pierre Reid, tapait sur les doigts de l'Association étudiante de l'université McGill en lui reprochant «certains éléments simplificateurs» de sa présentation.

On était le 6 avril, une semaine après le budget gouvernemental qui avait prouvé la vacuité de l'«historique» (c'est le mot du ministre) commission parlementaire vouée à examiner «les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités».

Le budget avait tranché: l'argent unanimement réclamé n'était pas au rendez-vous, sauf pour compenser l'augmentation des clientèles. L'accessibilité, elle, subissait un sérieux revers. Avec une baisse des bourses et une hausse des prêts dès septembre, les étudiants de milieux modestes devront assumer seuls une bonne partie du financement accru versé aux universités.

L'aberration saute aux yeux, et les étudiants de McGill l'ont soulevée quand leur tour est venu en commission parlementaire. Le ministre n'a pas apprécié. D'abord, il n'est pas question «d'enlever des sommes d'argent aux étudiants les plus pauvres», juste de leur «demander une légère contribution supplémentaire» lorsqu'ils travailleront. Les critiques, a poursuivi le ministre, devraient préciser que la métamorphose des bourses en prêts s'accompagne d'un «système de remboursement des prêts proportionnels aux revenus». Il faut quand même, a-t-il conclu, jeter un regard global sur les choses!

M. Reid était bien injuste, car les jeunes de McGill avaient précisément fait le lien avec le fabuleux programme de remboursement promis par le ministre, s'inquiétant que celui-ci ne puisse rien en expliquer alors qu'on parle d'une transformation radicale du système. À partir de quels revenus un étudiant devra-t-il rembourser? À quel rythme? Et que fera-t-on avec les revenus fluctuants, propres à la jeunesse? On verra...

C'est le ministre, en fait, qui manque d'un regard global. Pourtant, ce n'est pas faute de se faire prêter des lunettes pour élargir sa vision.

Ainsi, tous les intervenants, y compris les partisans d'un dégel des droits de scolarité, ont plaidé la bonification du régime des prêts et bourses en faveur des plus démunis. Des audacieux — encore des étudiants de McGill, ceux des 2e et 3e cycles — évoquaient même l'idée, tout à fait logique, de verser d'abord une bourse aux étudiants les plus mal pris avant de passer au prêt! C'est dire si Québec ne parle pas le même langage.

L'Union des consommateurs — dernier groupe reçu par la commission — a pour sa part situé la décision gouvernementale dans la vraie vie. De nos jours, l'étudiant qui va chercher son prêt dans une institution financière se voit aussitôt proposer du crédit, sous forme de carte et de marge. «Même si on refuse du premier coup, ils vont insister, insister, insister», a précisé l'association. Une spirale d'endettement que le nouveau régime de prêts fera empirer.

Le ministre a beau jurer que son programme ne sombrera pas dans la caricature, on voit déjà les banques tirer leur épingle du jeu. Et on comptera sur les doigts d'une main les pauvres étudiants devenus travailleurs qui, au final, n'auront rien à rembourser de leur dette d'études, comme le répète le ministre pour faire avaler la pilule.

jboileau@ledevoir.ca

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