Des profits bienvenus
Il est de bon ton de critiquer Hydro-Québec. Admettons que les prétextes ne manquent pas: hausses de tarifs, choix de filières énergétiques discutables...
Jeudi dernier, Hydro-Québec faisait savoir qu'elle avait réalisé des profits records de 1,9 milliard l'an dernier, soit 400 millions de plus qu'en 2002. Aussitôt, certains commentateurs et les associations de consommateurs ont crié au scandale, surtout à cause des deux hausses de tarifs accordées récemment par la Régie de l'énergie.Il est exact de dire que si Hydro est en mesure de hausser ses tarifs malgré des profits records, c'est grâce à un subterfuge législatif voté par le gouvernement du Parti québécois qui a séparé la fonction rentable de production d'énergie de la fonction déficitaire de distribution.
Cela étant dit, qu'y a-t-il de mal à ce qu'Hydro-Québec enregistre des profits records? Pourquoi les commentateurs qui crient au scandale devant un rendement de 13 % chez Hydro-Québec sont-ils les mêmes qui critiquent la Caisse de dépôt quand elle annonce un rendement «médiocre» du même ordre de grandeur?
Un rendement de 11 % à 13 % pour une société d'énergie est une performance tout au plus raisonnable. Pour l'année qui vient de se terminer, ce rendement ne découlait pas de la hausse des tarifs toute récente, mais de la faiblesse des taux d'intérêt et, surtout, de la forte demande en électricité (plus de 5 %!).
Si problème il y a, il est là. Car si la demande continuait d'augmenter à ce rythme, il faudrait investir encore davantage et plus vite que prévu dans la production, avec les conséquences que l'on sait sur l'environnement... et sur les tarifs.
Comment empêcher une telle spirale sinon en exigeant du gouvernement qu'il cesse de vendre l'électricité en dessous du prix coûtant aux grands consommateurs, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent.
À ce jour, personne n'a rien inventé de plus efficace que le prix pour ralentir la croissance de la demande pour des ressources rares. Qu'il en résulte de surcroît une amélioration des bénéfices de la société d'État, tant mieux! Après tout, faire payer un juste prix à ceux qui consomment, n'est-ce pas la meilleure politique à adopter pour un gouvernement actionnaire qui a besoin d'argent? Sans cela, c'est l'ensemble des contribuables qui verra ses impôts grimper pour financer les services publics.
Maintenir les tarifs d'électricité à un niveau plus bas que les autres sources d'énergie tout en augmentant les impôts pour combler le manque à gagner causé par la baisse du dividende d'Hydro-Québec, cela équivaudrait à demander aux consommateurs de mazout et de gaz de financer par leurs impôts les bas prix consentis aux consommateurs d'électricité. De plus, cela amènerait un déplacement de la demande vers l'électricité qui ne ferait qu'exacerber le besoin de nouveaux équipements. Le cercle vicieux!
Hydro-Québec enregistre d'excellents rendements tout en demandant des tarifs concurrentiels. Voilà qui devrait nous réjouir. Au même moment, Hydro One s'enlise et ne verse aucun dividende au gouvernement de l'Ontario malgré des prix élevés. Quand on se compare...
jrsansfacon@ledevoir.ca