Nouveaux cours d’éducation sexuelle: la sexualité en dilettante
Le ministre Sébastien Proulx obligera toutes les écoles à donner dès septembre prochain des cours d’éducation à la sexualité. Syndicats et directeurs d’école estiment que le projet est mal défini. Le ministre les convie à faire un saut dans l’inconnu.
L'occasion était trop belle. Jeudi se déroulait à Québec le Forum sur les agressions et le harcèlement sexuels. Le gouvernement Couillard, qui a déjà les yeux fixés sur l’échéance électorale, en a profité pour annoncer qu’il engageait 25 millions de dollars pour lutter contre les violences sexuelles. Pour compléter le tableau, le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Sébastien Proulx, a annoncé que des « apprentissages en éducation à la sexualité » seront instaurés dans les 3000 écoles du Québec.
Un projet-pilote en éducation sexuelle, auquel participent 19 écoles, en est à sa deuxième année. En outre, le ministre avait invité les écoles qui le souhaitaient à offrir ces cours dès septembre 2017 et près de 200 écoles publiques et privées ont accepté de le faire. Au printemps, il avait évoqué la date butoir de septembre 2018 pour étendre le programme à toutes les écoles. Sans se soucier du comité consultatif qu’il avait formé et qui est composé d’une vingtaine de représentants des directions d’école, des commissions scolaires, des syndicats d’enseignants et des comités de parents, Sébastien Proulx a décidé d’aller de l’avant avec la généralisation d’un programme au sujet duquel subsistent encore bien des inconnues.
C’est sur une base volontaire que les quelque 220 écoles offrent des cours d’éducation sexuelle. En les imposant à l’ensemble des écoles, le ministre aura donc affaire avec des directions d’école et des enseignants qui pourraient opposer une résistance à l’introduction de ce programme hors norme.
Cinq heures par an seront consacrées à la matière au primaire et quinze heures par an au secondaire. Ces heures seront prises à même les plages d’enseignement des autres matières. Mais on ne sait pas lesquelles, puisque ça dépend de l’enseignant — le professeur de français, d’éducation physique, de sciences, d’histoire, etc. — qui se montrera désireux d’enseigner la nouvelle matière. Certains cours d’éducation sexuelle pourront être donnés par des professionnels du réseau de la santé — infirmières, travailleurs sociaux —, par des sexologues de la commission scolaire, quand il y en a — elles sont rares —, ou encore par des psychologues scolaires (comme s’ils avaient le temps).
Directions d’école et enseignants auront carte blanche pour déterminer leur mode d’organisation. Débrouillez-vous, leur enjoint le ministre. Il a débloqué 3 millions de dollars pour payer la formation des enseignants, mais aucune somme pour des ressources additionnelles.
Sébastien Proulx écarte la voie de la création d’un nouveau programme livré par un enseignant spécialisé : il est trop compliqué de modifier le régime pédagogique. Il écarte aussi la possibilité d’engager des enseignants en éducation sexuelle qui passeraient de classe en classe et d’école en école.
En cette ère où les jeunes ont accès par Internet à une foule d’informations sur la sexualité, dont certaines sont de nature pornographique ou promeuvent carrément la violence, il est clair que l’école doit offrir des cours d’éducation sexuelle. Un large consensus existe d’ailleurs à cet égard. Sébastien Proulx poursuit un objectif louable. Mais il a choisi une approche à la va-comme-je-te-pousse, reposant largement sur la capacité des écoles de faire davantage avec les mêmes moyens et sur une forme de dilettantisme qu’on ne tolérerait pas dans d’autres matières.