Fiscalité fédérale: d’où vient le brouillard?
Les personnes souffrant de diabète de type 1 sont-elles ou non lésées par l’Agence du revenu du Canada (ARC) ? La ministre fédérale du Revenu, Diane Lebouthillier, affirme que non, que les critères d’admissibilité à un crédit d’impôt pour personnes handicapées n’ont pas changé.
Si tel est le cas, comment expliquer le refus essuyé par des centaines de diabétiques cette année, eux qui avaient droit à ce crédit par le passé ? Parce qu’il y a la règle, et qu’il y a son interprétation. Cette dernière a changé. La ministre ne l’a jamais admis en Chambre, mais Diabète Canada et la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile en ont obtenu la preuve.
Un courriel daté du 2 mai dernier informait les fonctionnaires assignés à ce programme de « modifications apportées aux procédures et versets [à l’ARC, les “versets” désignent des paragraphes ou des lettres types] des soins thérapeutiques essentiels concernant l’adulte atteint du diabète. Sauf circonstances exceptionnelles, l’adulte atteint du diabète peut en général gérer son insulinothérapie au quotidien sans prendre 14 heures par semaine ».
Or, pour être admissible au fameux crédit d’impôt, une personne diabétique doit consacrer au moins 14 heures par semaine à la gestion de son diabète, le tout confirmé par un médecin. C’est donc l’avis de ce professionnel de la santé qu’on remet maintenant en question aux dépens de quelques centaines de personnes.
Ils ne sont pas les premiers à subir cette pingrerie bureaucratique. Plus tôt cette année, des gens d’affaires se plaignaient à un comité parlementaire d’un avis de l’ARC les avertissant que les rabais offerts à des employés, souvent de petits salariés, devraient être considérés comme des gains imposables à l’avenir. Devant le futur casse-tête, ces employeurs envisageaient d’abandonner la pratique des rabais. La ministre a alors soutenu que les règles étaient inchangées. Elle disait vrai, mais encore une fois, tout était affaire d’interprétation.
Dans les deux cas, on ne parle pas de fraudeurs qui volent le fisc, mais de personnes souvent à faible revenu dont on adoucit des fins de mois. Les en priver équivaut à des économies de bouts de chandelle pour un gouvernement qui se dit pourtant champion de la classe moyenne.
D’ailleurs, la ministre a semblé chaque fois surprise de l’écart entre ses intentions et les gestes posés par l’ARC. Faut-il en déduire que ses hauts fonctionnaires ne jouent pas toujours franc jeu avec elle ? Ces épisodes laissent l’impression d’un manque de solide contrôle au sommet. La ministre doit la dissiper rapidement, car l’agence a des preuves à faire dans des dossiers sur lesquels elle devrait concentrer ses énergies, de la lutte contre l’évasion fiscale à la remise sur les rails de ses services téléphoniques déficients.
Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.