Réflexion inaboutie sur les Casques bleus

Des hélicoptères, quelques avions de transport et une force d’intervention rapide de 200 militaires, assaisonnés d’une promesse très « justinienne » de consacrer 21 millions à l’accroissement du rôle des femmes… La contribution canadienne annoncée mercredi par le premier ministre Trudeau aux missions des Casques bleus se résume à du saupoudrage, loin de l’engagement de l’année dernière de mettre à la disposition de l’ONU un budget de 450 millions et jusqu’à 600 soldats et 150 policiers ; et plus loin encore du serment fait en 2015 en campagne électorale de rétablir au sein des opérations internationales de maintien de la paix la grandeur qui faisait la fierté du Canada au temps de Lester B. Pearson.

À l’heure actuelle, un peu plus de 100 000 soldats et policiers, provenant pour une large part de pays pauvres comme le Bangladesh, le Pakistan ou l’Ouganda, participent aux 15 missions de paix qui sont en cours dans le monde. De ce nombre, la contribution canadienne n’était, en tout et pour tout, que de 68 personnes en septembre, son plus bas niveau en 25 ans — et moins encore que ce qui était consenti sous le précédent gouvernement de Stephen Harper, qui ne faisait pas secret, lui, de son allergie à l’Organisation des Nations unies. Entendu que la contribution canadienne est anormalement mince.

L’annonce faite par M. Trudeau souffrait, qui plus est, d’une carence évidente de précision. Où iront ces nouveaux moyens ? Ottawa recevra les demandes de l’ONU et avisera dans les six à neuf mois suivants. Le premier ministre fait là preuve d’une singulière insensibilité à l’urgence d’agir que commandent les situations de conflit. Voudrait-il mettre fin à la participation canadienne aux missions des Casques bleus qu’il ne s’y prendrait pas autrement.

Pour autant, le monde n’est plus celui de M. Pearson et M. Trudeau a raison de dire que « la nature des conflits a changé » et « les besoins des opérations de paix aussi ». Mais encore ?

Les missions de paix se sont complexifiées et sont devenues plus dangereuses, se rapprochant souvent d’opérations contre-insurrectionnelles. Il ne s’agit plus seulement de maintenir la paix, mais d’avoir aussi parfois à l’imposer, au nom du devoir de protéger les civils, à des belligérants qui ne consentent pas toujours à leur présence. Du reste, les Casques bleus ne sont pas une fin en soi. À quoi sert-il en effet de les déployer si, en amont, la communauté internationale ne pratique pas mieux la « diplomatie préventive » ou si, comme ce fut le cas au Darfour, les membres du Conseil de sécurité n’arrivent pas à se concerter sur l’imposition de sanctions contre Khartoum ?

Le gouvernement Trudeau a eu deux ans pour y penser. Dommage que sa réflexion ne soit pas plus aboutie.

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