Canadiens prisonniers d’«Irma»: un test raté

Il serait injuste de dire que le gouvernement canadien est resté les bras croisés face aux appels à l’aide des Canadiens coincés sur les îles ravagées par l’ouragan Irma. Il n’a toutefois pas été à la hauteur des attentes de ces citoyens et doit revoir ses pratiques.

Dans les jours qui ont précédé l’arrivée d’Irma dans les Caraïbes, le ministère du Développement international, de concert avec la Croix-Rouge, a rapidement déployé des provisions de nourriture et d’eau pour venir en aide aux futurs sinistrés. Depuis la catastrophe, de l’aide humanitaire a été envoyée, du personnel spécialisé déployé. Bref, ce ministère a fait son travail.

C’est malgré tout la ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau, et son collègue des Transports, Marc Garneau, qu’on a envoyés au front pour défendre l’aspect le moins reluisant de la réponse canadienne, celui des services consulaires, qui relèvent de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.

À voir la brochette de ministres, de fonctionnaires et de militaires réunis pour rencontrer la presse lundi et annoncer de nouvelles évacuations pour le jour même, on a compris que le gouvernement sentait la soupe chaude.

 

On a rappelé que, quelques jours avant qu’Irma ne déferle, le ministère avait diffusé un avertissement enjoignant aux voyageurs menacés par le monstre de quitter leur île pour se mettre en lieu sûr. Mais encore fallait-il trouver une place sur les vols qui se sont remplis à vue d’oeil. Il était certain que plusieurs Canadiens resteraient coincés. Environ 9000, présents dans la région touchée par Irma, étaient enregistrés auprès du ministère des Affaires étrangères. En date d’hier, 368 avaient demandé explicitement de l’assistance pour être rapatriés.

Ces appels à l’aide ont vite fait place à une frustration qui s’est manifestée dans les médias et sur les réseaux sociaux : difficulté d’entrer en contact avec les services consulaires, conseils jugés contradictoires, absence de plan clair d’évacuation. Pendant ce temps, des avions militaires d’autres pays évacuaient leurs ressortissants.

À Ottawa, on défend le travail des services consulaires. On rappelle que les infrastructures de communications et de transport dans les îles touchées ont été gravement endommagées et que cela a rendu la situation plus complexe et chaotique. De plus, faire atterrir et décoller des avions dans un tel contexte exige l’autorisation des autorités locales, ce qui explique la lenteur à faire repartir un vol d’Air Canada arrivé dimanche aux îles Turks et Caicos. Les pays qui ont des territoires et des bases militaires dans la région ont aussi pu déployer des appareils à l’avance, ce qui leur a facilité la tâche, de souligner Mme Bibeau en conférence de presse.

Tout cela est vrai, mais certains choix du gouvernement canadien exigent des explications, en particulier celui de s’appuyer entièrement sur les compagnies aériennes pour assurer le rapatriement. Ces dernières n’ont pas lésiné sur leurs efforts et ont étroitement collaboré avec le gouvernement. Mais devant l’ampleur de la menace qui planait sur cette région où des milliers de Canadiens se trouvaient, Ottawa aurait pu déployer à l’avance un avion militaire, ne serait-ce que pour être capable d’évacuer d’urgence d’éventuels blessés.

« Il s’agit d’une situation sans précédent, une occasion d’apprendre et d’améliorer nos façons de faire », a convenu lundi Omar Alghabra, secrétaire parlementaire de la ministre Freeland pour les affaires consulaires. C’est le moins que l’on puisse dire, et on peut déjà lui offrir quelques pistes, comme améliorer les communications avec les voyageurs, se doter d’un solide plan de contingence et réévaluer sa réticence à utiliser ses ressources militaires dans des circonstances semblables.

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