Un défi humanitaire
L’afflux de demandeurs d’asile à la frontière canadienne exige un effort d’Ottawa. Les bons mots ne suffisent pas.
Le Québec reçoit en moyenne 150 demandeurs d’asile par jour depuis deux semaines. Les services d’accueil temporaires débordent, au point où l’État a dû déployer 600 lits au Stade olympique.
Depuis le début de l’année, environ 3350 migrants en provenance des États-Unis ont été interceptés au Québec par la GRC. L’afflux de migrants est subit, mais ce n’est certainement pas une surprise.
Il s’agit d’une autre manifestation de ce détestable « effet Trump ». L’aversion du président pour tout ce qui est « non américain » fait partie des fondements de sa carrière publique. En mai, il a menacé de retirer l’asile temporaire accordé à 60 000 Haïtiens à la suite du tremblement de terre de 2010. Encore mercredi, M. Trump a annoncé son intention de réduire de moitié, d’ici dix ans, le nombre d’immigrants peu qualifiés qui entreront aux États-Unis. Tout un contraste avec le premier ministre Justin Trudeau, qui dépeint le Canada comme une terre d’accueil et un « sanctuaire » inclusif.
La parole reste lourde de conséquences en politique. MM. Trump et Trudeau concourent, chacun à sa manière, à ce récent mouvement migratoire du sud vers le nord de ressortissants américains, pour la plupart d’origine haïtienne. L’hiver dernier, ceux-ci ont été précédés par des réfugiés syriens. La porte-parole du NPD en matière d’affaires étrangères, Hélène Laverdière, évoque une « crise annoncée », et pour cause.
En réaction aux politiques migratoires hostiles du président Trump, le gouvernement Trudeau aurait dû révoquer depuis un bon moment l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs. Cet accord oblige un réfugié à demander l’asile dans le premier des deux pays dont il foule le sol. Il ne peut se présenter à un poste frontalier de l’autre pays et tenter sa chance une deuxième fois. Il ne lui reste donc plus qu’à franchir la frontière dans l’illégalité afin de faire une nouvelle demande d’obtention du statut de réfugié au Canada, en vertu d’un précédent établi par la Cour suprême il y a une trentaine d’années. Comprenne qui pourra cette aberration contraire à la dignité humaine.
La suspension de l’Entente inciterait les migrants à fouler le sol canadien par les voies normales, sans leur enlever le privilège de réclamer le statut de réfugié. Cette mesure permettrait de soulager la pression sur les policiers et les douaniers, et de faire un triage pour envoyer les demandeurs d’asile dans la province de leur choix.
Le Québec est une terre d’accueil. Montréal, proclamée « ville sanctuaire » par le conseil municipal, fait une démonstration éloquente de ses réflexes de solidarité. Les besoins de base des migrants seront comblés par l’État québécois : vêtements, nourriture, soins de santé, logis temporaire et même l’éducation des enfants. Il ne peut en être autrement dans une société progressiste.
À brève échéance, Ottawa doit accélérer le traitement des demandes pour les permis de travail et le statut de réfugié. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) devra faire preuve de diligence et d’efficacité.
Ottawa décide à son rythme d’accorder ou non le statut de réfugié tandis que Québec assume, dans l’intervalle, l’ensemble des dépenses. C’est une répartition injuste du fardeau de dépenses. Québec ne peut assumer seul le poids de cette crise.