La présidentielle de tous les aléas
Entre des socialistes en état d’implosion et une droite plombée par un scandale, Marine Le Pen exalte le « réveil des peuples » et s’en réclame au nom de la victoire présidentielle de Donald Trump. La classe politique française se recompose-t-elle irrémédiablement ? Ou va-t-elle finir par retomber dans ses ornières ?
Aléas à gauche comme à droite. À la primaire du Parti socialiste, on attendait l’ancien premier ministre libéral Manuel Valls ; les militants lui ont plutôt préféré le candidat de la gauche radicale Benoît Hamon. Chez Les Républicains, ç’aurait dû être Alain Juppé ; ce sera finalement François Fillon, dont la candidature hier présentée comme un rempart salutaire contre l’extrême droite menée tambour battant par Marine Le Pen et son Front national s’enfonce aujourd’hui dans les marais du « Penelopegate ».
Avec le résultat qu’à moins de trois mois du premier tour de la présidentielle française, le 23 avril, un nouveau sondage publié mardi confirme la tendance qui s’est récemment dessinée : dans le paysage politique alambiqué qu’est devenu celui de la France, on verrait s’affronter au deuxième tour Le Pen et Emmanuel Macron, l’ultracentriste indépendant de moins en moins socialiste. Cette tendance tiendra-t-elle ?
À vue de nez, on peut l’imaginer. Si M. Fillon s’est employé, non sans efficacité, lundi en conférence de presse, à freiner la saignée que subit sa popularité et à remettre sa candidature sur les rails auprès des militants de droite, il est loin d’être certain qu’il a dissipé dans l’électorat les doutes qui se sont installés sur son intégrité. L’homme a présenté ses « excuses » pour avoir posé des gestes qui, bien que légaux, étaient éthiquement inacceptables — ce qui en dit long sur l’élasticité de sa conscience politique. Du reste, les médias français n’ont pas manqué de souligner qu’il n’avait vraiment pas fait la preuve que le « travail » accompli par son épouse Penelope comme assistante parlementaire, et pour lequel elle a touché sur plusieurs années la coquette somme de 900 000 euros, n’avait pas été fictif. Qui plus est, l’enquête ouverte pour détournement de fonds publics et recel se poursuit, alors que Le Canard enchaîné, le quotidien qui a mis au jour ce scandale d’emplois fictifs, fait dans son édition à paraître mercredi de nouvelles révélations gênantes pour M. Fillon, indiquant que son épouse aurait touché une somme louche et additionnelle de 45 000 euros en indemnités de licenciement et en primes payées par l’Assemblée nationale.
Le candidat des Républicains a demandé à son camp de lui donner deux semaines pour ressusciter sa campagne. Beaucoup pensent que, de toute façon, ses jours sont comptés. Auquel cas, la droite court au désastre.
Alors quoi ? À gauche, les socialistes qui ont tenu le pouvoir paient chèrement leur incapacité pendant toutes ces années à mettre en avant et à appliquer un véritable projet économique de gauche. La défaite de l’ancien premier ministre Manuel Valls aux mains du radical de gauche Benoît Hamon à la primaire du mois dernier démontre amplement cet échec. Le Parti socialiste (PS) est aujourd’hui dans un tel état de déprime et de division, au terme du quinquennat informe de François Hollande, qu’il est difficile d’imaginer qu’il parviendra à refaire l’unité d’ici au premier tour de la présidentielle.
Ou peut-être, comme en cette époque de mouvances politiques imprévisibles tout devient apparemment possible, le PS arrivera-t-il à tirer profit, par défaut, des difficultés dans lesquelles s’enfonce la droite traditionnelle. Perspective bien improbable, dans l’ordre actuel des choses. En l’occurrence, c’est encore Emmanuel Macron, l’homme du ni gauche ni droite, cet ancien banquier devenu ministre de l’Économie sous Hollande, qui semble le mieux placé pour bénéficier de la situation. On pouvait déjà concevoir qu’il sera en mesure de gruger le vote socialiste. Que la droite perde maintenant son capitaine et cet ultracentriste voudra certainement tenter de tourner la tête un peu plus vers la droite.
Encore que toutes ces dynamiques, étant donné le caractère éclaté de la situation, vont rester flottantes. En fait, que Fillon s’efface et il y aura surtout lieu de penser que la débandade sera utile aux visées électorales de Marine Le Pen. Avec, à la clé, risque d’affreux scénario américain.