Il était achetable…

L'ex-maire de Montréal Michael Applebaum était bel et bien « achetable », contrairement à ce qu’il a répété maintes fois depuis son arrestation, en juin 2013.

M. Applebaum a été reconnu coupable jeudi de huit des quatorze chefs d’accusation portés contre lui (complot, fraude, corruption et abus de confiance).

La décision rendue par la juge Louise Provost rassure sur la capacité de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de traquer les bradeurs du bien public qui profitent de leur statut d’élu pour s’en mettre plein les poches. Le scénario inverse, soit l’acquittement de Michael Applebaum, aurait plongé ces deux institutions déjà ébranlées par de récents dérapages dans une véritable crise de crédibilité. Ce jugement est rassurant, car il dissipe, un tant soit peu, la désagréable impression que les politiciens bénéficient de l’impunité pour les crimes de corruption politique.

Bien sûr, il y a encore matière à grincer des dents. Le procès des accusés dans le dossier du Faubourg Contrecoeur, parmi lesquels figure l’ancien numéro deux de l’administration Tremblay, Frank Zampino, (un ancien collègue de M. Applebaum au sein d’Union Montréal), stagne. Et les protagonistes impliqués dans le scandale du contrat de 355 millions pour l’installation de compteurs d’eau à Montréal (un contrat heureusement annulé) n’ont toujours pas été inquiétés par la police.

Les crimes de corruption sont parmi les plus difficiles à prouver, comme en témoigne le cas Applebaum. Alors qu’il était maire de l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, de 2006 à 2011, il a empoché des pots-de-vin auprès de promoteurs qui sollicitaient des permis et des changements de zonage. Il n’a pas été pris la main dans le sac, et la Couronne n’a jamais retrouvé la trace de l’argent. Son ancien chef de cabinet, Hugo Tremblay, a joué le rôle du porteur de valise. Seul son témoignage a permis de relier Michael Applebaum aux stratagèmes illégaux. Si la juge Provost ne l’avait pas cru, M. Applebaum serait aujourd’hui libre comme l’air.

Le témoignage de M. Tremblay comportait certaines contradictions ou omissions, mais dans un procès criminel on exige la crédibilité d’un témoin, et non la perfection. M. Tremblay a déclaré qu’il avait « libéré sa conscience » en incriminant son ancien patron. Il a aussi libéré la métropole d’un profiteur honteux.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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