Quel avenir pour QS?

Il n’y a pas beaucoup de femmes dans la vie politique québécoise, et le départ de Françoise David n’est pas une bonne nouvelle. Ni pour les citoyens de Gouin ni pour Québec solidaire, dont elle était la représentante la plus crédible.

À 69 ans, Françoise David fait partie de la génération des baby-boomers qui ont façonné la vie sociale et politique du Québec depuis la fin de leur adolescence, il y a 50 ans.

Issue d’une famille bourgeoise d’Outremont dont les parents appartenaient à l’élite québécoise, Françoise David a choisi d’étudier en travail social, tout comme l’ex-chef du Parti québécois, Pauline Marois, d’une année son aînée.

Tôt dans sa vie adulte, Françoise David s’inscrit dans la mouvance de la jeunesse militante gauchiste issue du mouvement étudiant des années 1960, d’où elle bascule dans l’extrême gauche au sein de l’organisation marxiste-léniniste En Lutte dirigée par l’ex-felquiste repentant Charles Gagnon.

Ses cinq années au sein d’un mouvement communiste ne sont pas seulement anecdotiques. De ce militantisme exacerbé (En Lutte prônait le soulèvement armé de la classe ouvrière sous la direction d’un parti pancanadien unique guidé par les enseignements de Lénine et de Mao), elle conservera non seulement le sens de l’engagement total, mais aussi une analyse marquée du sceau de la lutte des classes.

Après son départ d’En Lutte au milieu de la trentaine, Françoise David, comme plusieurs (on pense à un autre candidat de QS, François Saillant, retraité du FRAPRU), s’autorisera à rompre avec les dogmes du marxisme-léninisme pour recentrer son engagement sur la place des femmes dans la société, thème jugé secondaire chez les communistes.

Désormais, la lutte des femmes devient une priorité, comme pour les pionnières du mouvement féministe. C’est donc à cette tâche qu’elle consacre son temps et son énergie jusqu’à la création, en 2004, du mouvement politique mixte Option citoyenne, dont la fusion avec l’Union des forces progressistes du Dr Amir Khadir, deux ans plus tard, donnera Québec solidaire.

De ces années de féminisme pleinement assumées, on retiendra son passage au Regroupement des centres de femmes et surtout à la Fédération des femmes du Québec, d’où elle présidera à deux grandes manifestations de femmes pour dénoncer la pauvreté, en 1995 et en 2000.

Après ces décennies de militantisme social, Françoise David fait finalement le saut en politique active à la tête d’un parti de gauche prenant appui sur les militants et les militantes de dizaines d’organisations de défenses des droits des plus démunis.

Élue chez elle, dans la circonscription de Gouin, pour une première fois en 2012, la co-porte-parole de QS s’impose aussitôt à l’Assemblée nationale par le sérieux de ses interventions qui tranchent avec la partisanerie et le cynisme ambiants. De sa bonne éducation, elle a aussi retenu qu’il y a une façon polie d’envoyer paître les cons. Et tous se souviendront de sa présence assurée, presque rassurante au débat des chefs, en 2014. Elle aurait fait une excellente ministre, ou première ministre, d’un utopique gouvernement de coalition social-démocrate.

« Il y a un avenir après mon départ », affirmait Mme David au moment d’annoncer sa sortie, jeudi. Bien sûr qu’il y a un avenir pour Québec solidaire, mais lequel et à quelles conditions ? Car des changements s’imposent si le parti veut défoncer le plafond de 8 % du vote populaire obtenu en 2014.

Québec solidaire est la conscience de gauche des partis politiques au Québec. On reconnaît son engagement et son intégrité, mais pour la majorité des électeurs, il ne défend les intérêts que de la fraction la plus pauvre de la société. Ce qui est fort louable, mais insuffisant quand l’objectif est de gagner des élections.

Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’infirmières, de techniciens, d’enseignants, d’ouvriers, de gens de la classe moyenne qui votent QS ? Pourquoi sont-ce surtout des intellectuels insatisfaits du PQ et des militants convaincus sinon parce que les autres ne trouvent pas dans ses propositions de quoi répondre à leurs préoccupations de « petits bourgeois », comme la jeune militante d’En Lutte les aurait qualifiés.

Québec solidaire a déjà approché l’ex-leader étudiant Gabriel Nadeau-Dubois pour qu’il rejoigne ses rangs. GND dans Gouin ? Pourquoi pas puisque voilà un jeune structuré, engagé et soucieux d’ajouter une dose de pragmatisme aux ambitions de la gauche. Pragmatisme dont elle a bien besoin, qu’il soit ou non question de convergence avec le PQ en vue du prochain rendez-vous électoral de 2018.

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