Par-delà l’urgence
Haïti a besoin d’une aide « massive » dans la foulée de l’ouragan Matthew, survenu il y a près de trois semaines, a plaidé le secrétaire général sortant de l’ONU, Ban Ki-moon. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Aussi, les Nations unies ont lancé aux pays donateurs un appel de fonds à hauteur de 120 millions $US pour venir en aide au million d’Haïtiens qui n’ont plus accès à l’eau potable et qui ont vu leur toit et leurs récoltes emportés par la tempête.
Comme si ces défis humanitaires n’étaient pas assez nombreux, se conjugue à la catastrophe la menace d’une recrudescence de l’épidémie de choléra qui aurait tué près de 10 000 personnes depuis six ans (gracieuseté de la négligence des autorités onusiennes et des Casques bleus népalais débarqués après le séisme de janvier 2010). Face à cette nouvelle menace, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé la semaine dernière l’envoi vers Haïti d’un million de doses de vaccin, un geste dont il faut espérer qu’il sera accompagné d’une campagne de vaccination efficace.
On peut difficilement reprocher aux ONG et à la communauté internationale de ne pas être sensibles au sort des sinistrés et de ne pas faire, dans l’urgence, des efforts de mobilisation. Reste que les malheurs causés par le passage de Matthew désolent d’autant plus que l’ouragan est survenu dans un contexte où, malgré tout le soutien international qu’on a voulu apporter à Haïti, le pays peine toujours à se relever du séisme qui avait fait 250 000 morts en 2010.
Haïti a besoin qu’on l’aide, certes, mais de bien plus encore. Marqué au fer rouge par son histoire coloniale, Haïti n’a jamais vécu, depuis son indépendance, que dans un état de tutelle économique et politique. De fausse indépendance — comme bien d’autres pays pauvres, du reste. Si la caste dominante haïtienne mérite d’être critiquée pour ne pas en avoir fait assez pour remettre de l’ordre dans la maison nationale, il y a non moins lieu de montrer du doigt la communauté internationale — États-Unis, Canada et France — pour le cercle vicieux de dépendance économique et de déliquescence étatique dans lequel s’est enfoncé le petit pays. Rien ne changera tant que ce cercle vicieux n’aura pas été brisé.
Qu’ont donc donné les soi-disant efforts de reconstruction de l’État depuis le renversement, soutenu par les capitales occidentales, du président Jean-Bertrand Aristide en 2004, sinon une série d’élections bidon qui ont complètement démobilisé les Haïtiens ?
Il se trouve aussi que ce pays aurait absolument besoin qu’on s’investisse corps et âme dans sa reforestation. Haïti est une société agricole victime d’un saccage qui dure depuis 200 ans — mais qui n’est pas irréversible. Briser le cercle vicieux passe nécessairement par une « reconstruction » environnementale.