Le chaud et le froid
Il est loin de faire tout le bruit que fait l’accord de Paris sur le climat, et pourtant le devrait, puisque le pacte environnemental conclu le week-end dernier à Kigali, au Rwanda, par près de 200 pays représente une avancée importante dans la lutte contre le réchauffement climatique en ce qu’il s’attaque de façon coercitive au fléau des hydrofluorocarbures (HFC), ces gaz utilisés comme réfrigérants dans les climatiseurs et les réfrigérateurs.
Progrès sensible parce les HFC sont des gaz dont l’effet de serre est plusieurs milliers de fois plus grand que celui du CO2 et que l’« amendement de Kigali » est un accord contraignant, contrairement à celui de Paris. Que l’accord conclu à Kigali soit appliqué de façon responsable, ce qu’il n’est pas absurde d’espérer, et son application se trouverait à freiner de près de 0,5 °C l’augmentation des températures à l’échelle mondiale — représentant ainsi le quart du plafond de réchauffement de 2 °C convenu à Paris en décembre dernier, seuil au-delà duquel, disent les experts, l’humanité s’exposerait à des dommages climatiques irréparables.
L’accord, qu’on aura mis sept ans à ficeler, est d’autant plus intéressant qu’il vient se greffer au protocole de Montréal, ce traité clé datant de 1987 et par lequel ont pu être supprimés d’un commun accord les chlorofluorocarbures (CFC), grands responsables de la destruction de la couche d’ozone. Il est une belle preuve qu’il est dans l’ordre du possible pour les pays riches et pauvres de parvenir à un compromis fonctionnel dans la lutte contre le réchauffement climatique.
L’amendement de Kigali est d’abord le produit du rapprochement qui s’est dessiné en matière environnementale entre les États-Unis et la Chine, plus grand producteur de HFC. Le résultat n’aurait toutefois pas été aussi ample sans l’adhésion — réticente au départ — de l’Inde et l’appui, beaucoup plus enthousiaste, de l’ensemble des pays du continent africain, où les climatiseurs sont pour le moment peu répandus, certes, mais qui n’en est pas moins extrêmement vulnérable aux changements climatiques.
S’engage maintenant une course contre la montre pour introduire des produits de substitution plus « verts » et freiner concrètement l’utilisation des HFC à bref et à moyen terme. La capacité de l’Inde à relever ce défi méritera une attention particulière : voici un pays très populeux (1,3 milliard d’habitants), très chaud (il est courant que le mercure dépasse les 40 °C) et en état de boom économique… Comment donc l’Inde s’y prendra-t-elle pour concilier cet accord avec la croissance des ventes d’un bien de consommation, le climatiseur aux HFC, que s’arrache sa classe moyenne en expansion ? L’affaire va se jouer dans les dix prochaines années.