Un moteur important

Deux poids lourds du développement économique, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et Montréal international, ont lancé un appel du pied prudent au gouvernement Couillard. Le financement de l’enseignement supérieur doit faire partie de ses priorités.

La Chambre de commerce s’est brûlé les ailes, lors du printemps érable de 2012, en appuyant une hausse des droits de scolarité dans les universités québécoises. Il en allait de la prospérité du Québec et des étudiants, faisait valoir son président, Michel Leblanc. Le genre de propos pour déchaîner les passions chez les étudiants avec qui le gouvernement Charest et la classe d’affaires n’arrivaient plus à dialoguer.

Le milieu des affaires en 2012 en était arrivé à la conclusion presque unanime qu’une société distincte fortement minoritaire en Amérique du Nord, comme le Québec, ne pourrait se développer sans avoir accès à des travailleurs hautement qualifiés et bien formés.

Quatre ans plus tard, le lobby des gens d’affaires n’a pas changé d’idée, mais il modifie cette fois sa stratégie. Dans une nouvelle étude menée conjointement par la Chambre de commerce et Montréal international, intitulée La contribution des universités de la région de Montréal à l’économie du Québec, il n’est nullement question du mode de financement des universités. Les deux organismes insistent cependant sur l’importance de mettre l’éducation supérieure à l’avant-plan, afin que Montréal et le reste du Québec se démarquent à l’échelle internationale.

L’étude est truffée de statistiques intéressantes, la principale portant sur la corrélation entre le PIB des régions métropolitaines en Amérique du Nord et la part des diplômés universitaires chez les plus de 25 ans. Plus il y a de diplômés, plus le PIB est élevé. Rien de surprenant à première vue. L’étonnement provient de la place occupée par Montréal à ce chapitre : la métropole fait un peu mieux que Cleveland au bas de l’échelle et moins bien qu’une ville aussi affligée par la pauvreté que Detroit.

La prospérité de Montréal est déjà tributaire de l’économie du savoir, autant pour les retombées à long terme, que procure une forte concentration de diplômés universitaires, que pour les retombées immédiates, qui découlent de la présence de 11 universités attirant plus de 155 000 étudiants.

Pour le commun des mortels, l’université se résume trop souvent à des étudiants en grève et à des professeurs en sabbatique, ou l’inverse. Les universités forment le cinquième secteur d’emploi en importance de la métropole (41 475 postes), presque à égalité avec le secteur de l’aéronautique, dont le Québec s’enorgueillit constamment. Il serait temps de considérer ces maisons du savoir comme un secteur névralgique de l’économie. Leurs dépenses annuelles de 4,3 milliards de dollars génèrent des impacts économiques de 3,6 milliards dans la région de Montréal seulement. Il s’agit probablement de la grappe qui reçoit le moins de considération en proportion de son impact, dans l’économie de la métropole.

Les dépenses en enseignement supérieur du Québec en entier se chiffrent à 6,4 milliards en 2016-2017, en hausse de 2,5 % par rapport à l’exercice précédent. Après des années de coupes et de resserrements, il n’était pas trop tôt pour réinvestir dans ce secteur.

L’éducation supérieure ne se résume pas à une succession de statistiques sur les retombées économiques. L’université est l’incubatrice d’une nouvelle génération de citoyens à qui elle fournit des outils pour argumenter, critiquer et prendre les commandes de son destin.

Le diplôme universitaire est un passe-partout pour la réussite dans la société québécoise, marquée par le lent déclin du secteur manufacturier et la montée de l’économie du savoir. L’ère n’est pas faite pour les hommes à tout faire. Le bachelier fait plus de 60 000 $ en moyenne, contre 24 000 $ pour le non-diplômé. Il affiche un taux de chômage de 6 %, contre 18 % pour le travailleur qui n’a pas terminé ses études secondaires.

Il n’y a pas à en douter, le Québec sera plus riche d’une présence accrue des diplômés universitaires, et c’est là que le bât blesse. Montréal traîne de la patte par rapport aux autres grandes villes canadiennes. Chez les 25 à 34 ans, la proportion des diplômés universitaires est de 37 %, comparativement à 43 % à Toronto ou à 41 % à Vancouver. La Chambre de commerce et Montréal international visent une augmentation de 5 % des jeunes diplômés sur cinq ans, sans offrir de véritable solution pour y parvenir.

Pour élargir le bassin des diplômés universitaires, il faut travailler bien en amont, en encourageant la persévérance scolaire au primaire et au secondaire. C’est un préalable essentiel à la réussite du plan.

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