Confiance ébranlée
Mardi, Philippe Couillard avait proclamé que la session parlementaire de l’automne à l’Assemblée nationale se déroulerait « sous le signe de la “confiance retrouvée” ». Dans les quelques jours qui ont suivi, des révélations ont plutôt miné celle que pouvait encore inspirer le pourtant nouveau ministre des Transports, Laurent Lessard.
En juin, après les révélations en commission de deux ex-employées du ministère des Transports, Philippe Couillard promettait un « changement de culture » radicale. Les problèmes du MTQ étaient « très sérieux » ; ils nécessitaient d’être pris en main de manière extrêmement « ferme », « sans compromis ». La sous-ministre Dominique Savoie était dégommée, remplacée.
Moins de trois mois plus tard, le MTQ connut un autre remaniement avec le départ de Jacques Daoust. Et voilà qu’il a à sa tête Laurent Lessard, qui a dû défendre son intégrité dans la première semaine des travaux parlementaires. Les révélations au sujet de l’ancien employé de circonscription de M. Lessard, Yvon Nadeau, et les questions que celles-ci soulèvent sont sérieuses.
Dans un cas, l’entreprise de M. Nadeau, Pyrobiom, qui oeuvre dans le domaine forestier (M. Lessard détenait alors le maroquin des Forêts), a reçu une subvention alors que M. Nadeau était employé au bureau de circonscription. Dans un autre, M. Nadeau et sa conjointe Stéphanie Donato sont devenus gestionnaires de chalets au pied de la station de ski du mont Atstock, laquelle a aussi reçu une subvention du gouvernement libéral, grâce à l’assistance de M. Nadeau.
Dire que M. Lessard est un proche du couple Nadeau-Donato relève de l’euphémisme. Il les a eus tous deux à son emploi dans son bureau de circonscription. Il est le parrain de leur enfant. On ignore ce que le ministre a pu ou non connaître des agissements de M. Nadeau et de sa conjointe, mais une chose est sûre : il a entretenu une proximité très grande avec des gens qui semblent avoir pour habitude de mêler affaires personnelles et emploi auprès d’un ministre. De la part du titulaire du « plus important donneur d’ouvrage au Québec », il n’y a là rien de rassurant.
Le Commissaire à l’éthique se penche, à la demande de l’opposition officielle, sur le cas Pyrobiom. Le cas Adstock est probablement hors de sa portée, car les principaux faits se sont produits avant que le code d’éthique et de déontologie n’entre en vigueur. Les apparences sont douteuses, notamment le fait que la coopérative propriétaire du centre de ski n’a jamais touché un sou des revenus de location des chalets gérés par M. Nadeau.
La manière dont Philippe Couillard s’y est pris pour défendre son ministre est franchement faible. Mercredi, il a soutenu qu’il ne s’agissait que d’« allégations » ; puis, dans une candeur désarmante, a plaidé l’ignorance : « Vous ne connaissez pas les faits. Je ne les connais pas non plus » ! Malgré tout, il a martelé avoir « entièrement confiance en son ministre ». Voilà un geste que nos pieux ancêtres auraient sûrement qualifié de « donner le bon Dieu sans confession ».
On comprend que M. Couillard n’a vraiment pas envie de procéder en moins d’un mois à un autre remaniement aux Transports. C’est peut-être pourquoi, le lendemain, il renchérissait même dans les éloges à l’endroit de son ministre, soutenant que son « collègue s’acquitte de ses responsabilités de façon plus qu’honorable actuellement ». À un certain moment, le premier ministre sembla faire de l’ironie cruelle en allant jusqu’à dire que son collègue s’était « exprimé à plusieurs reprises » et qu’il allait « continuer de le faire de façon éloquente ».
Cruelle ironie ? En effet, car l’éloquence n’est assurément pas une qualité reconnue de M. Lessard. Depuis les premières révélations au sujet de M. Nadeau, il a semblé embrumer volontairement ses réponses. Il a par exemple soutenu avoir obtenu un avis du Commissaire à l’éthique lorsqu’il a réembauché M. Nadeau au retour du PLQ au pouvoir. Or, jamais cet avis n’a été fait par écrit. On a pu percevoir à plusieurs reprises qu’à ses yeux, aucune règle n’interdisait à M. Nadeau de faire ce qu’il a fait dans le cas Pyrobiom.
Quant à l’autre cas, M. Lessard a paru soutenir que… ce n’était pas de son ressort. Car à ses yeux, la coop de solidarité et l’exploitant des chalets ont une relation contractuelle : « Qu’ils fassent comme moi, qu’ils en assument la responsabilité. Quant à lui [sic] qui possède des chalets, s’il a un différend à faire avec M. Nadeau, s’il a un contrat, qu’ils règlent leurs responsabilités. » Peut-il s’en laver les mains aussi aisément ?