Labeaumegrad, bis
Québec a depuis 1995 un statut particulier, de capitale nationale. Normal, elle a une vocation panquébécoise unique. Pourquoi alors le projet de loi 109 (pl 109) vient-il réaffirmer celui-ci ? En grande partie pour accroître le pouvoir du maire. Et des promoteurs.
Comme à son habitude, le maire Régis Labeaume a mis l’accent, jeudi, sur sa priorité, la communication. Il a donc participé à l’annonce du retour d’IKEA à Québec, où il a, encore une fois, évoqué un autre possible retour (on vous laisse deviner). En après-midi, il a frappé quelques balles de tennis avec Eugenie Bouchard.
L’essentiel est ailleurs, évidemment. Notamment : comment la capitale nationale se développera-t-elle dans les prochaines années ? Un projet de loi important a été déposé au mois de juin à ce sujet : « Loi accordant le statut de capitale nationale à la Ville de Québec et augmentant à ce titre son autonomie et ses pouvoirs. » Il découle de la promesse du gouvernement Couillard de donner des statuts particuliers à la métropole et la capitale. (On attend toujours celui sur la métropole. Espérons que, sous prétexte de renforcer les gouvernements de « proximité » — nouvelle appellation politiquement correcte — on ne déshabillera pas le gouvernement national du Québec…)
Le pl 109 propose une définition de la capitale étroitement événementielle : elle serait le lieu « privilégié » et « prioritaire » de l’« accueil des dignitaires étrangers », des « rencontres diplomatiques », des « grandes rencontres politiques », des « négociations importantes ». D’accord, mais pourquoi ne pas spécifier qu’il s’agit d’abord et avant tout du lieu d’exercice des pouvoirs législatif, exécutif, administratif ? Le pl 109 contient toutefois des éléments intéressants : ville de patrimoine, la capitale obtiendrait des pouvoirs de taxation pour inciter les propriétaires de terrains vacants (ex : stationnements à ciel ouvert) à les développer. La Ville pourra aussi forcer les propriétaires à entretenir des immeubles d’intérêt détériorés. La conseillère Julie Lemieux a qualifié la mesure de « DPJ » du patrimoine. Rassurant.
Des citoyens s’inquiètent cependant, comme le rapportait Le Devoir mardi. Ils devaient d’ailleurs se réunir jeudi soir. L’expert en droit municipal François Marchand juge que la loi 109 concentrerait et centraliserait les pouvoirs au conseil municipal, au détriment des arrondissements. Ancien élu sous Pelletier dans les années 1980, M. Marchand déplore que le texte abolisse l’approbation référendaire en matière d’urbanisme, présente depuis la création de la grande ville au début des années 2000.
Le maire n’a pas répondu à ces critiques pour l’instant. Mais on sait comment il a justifié l’abolition des référendums : des petits groupes atteints du syndrome pas-dans-ma-cour obtenaient ainsi trop de pouvoir. Le constat n’est pas tout à fait erroné, comme le prouve le « non » au projet de l’îlot Irving, en 2012, qui conduisit à l’élimination des logements sociaux prévus dans le projet initial. L’outil n’est pas parfait, mais fut très rarement utilisé (trois fois en deux décennies !). Bref, il mériterait d’être conservé et amélioré. Car ce contrepoids est certainement préférable aux syndromes autrement plus fréquents : celui des promoteurs pressés construisant du laid, du banal, démolissant sans vergogne. L’équipe Labeaume soutient que les « consultations en amont » des projets sont préférables. L’argument a quelque chose de risible, quand on pense à la manière dont le maire a consulté avant l’édification de son amphithéâtre : une tournée promotionnelle dans les arrondissements. Quant au Programme particulier d’urbanisme (PPU) de Sainte-Foy, défini après moult consultations, il sera ignoré avec l’édification du « Phare » de 65 étages de la firme chouchoute du maire, Cominar. « Consulter en amont », un synonyme pour « cause toujours » ?