La mise en scène
En moins de deux semaines, deux ministres vedettes du gouvernement fédéral se sont retrouvées sur la sellette pour des dépenses contestables. Leurs déboursés méritent l’attention qu’on leur accorde, car les dépenses grandes et petites de fonds publics exigent le même degré de rigueur et de prudence.
Dans le cas de la ministre de la Santé, Jane Philpott, l’erreur n’est pas d’avoir eu recours à un service de limousine pour sillonner pendant deux jours la grande région torontoise et la péninsule du Niagara, mais d’avoir utilisé les services d’une entreprise appartenant à un bénévole de sa campagne, qui, en plus, lui a facturé le gros prix. La commissaire à l’éthique tentera d’ailleurs de déterminer si les règles en la matière ont été respectées. Quant à Mme Philpott, elle s’est excusée et s’est engagée à rembourser 3700 $.
La ministre de l’Environnement et des Changements climatiques, Catherine McKenna, n’a pas pris d’engagement semblable alors que son ministère a déboursé 6600 $ pour qu’un photographe la suive, elle et son équipe, lors de la conférence de Paris sur le climat l’an dernier. Mme McKenna a simplement demandé à son ministère de trouver une façon de réduire le coût de ces photographes.
Cette manie qu’ont les ministres de se faire photographier pour alimenter les sites gouvernementaux, leur page Facebook ou leur compte Twitter n’est pas nouvelle. Les conservateurs, qui s’insurgent aujourd’hui, s’y adonnaient. Selon une enquête d’iPolitics, ils ont dépensé à cet effet 2,3 millions de dollars entre 2006 et 2015. En 2014, il en a coûté près de 13 000 $ pour suivre l’ancien ministre des Affaires étrangères, John Baird, aux Nations unies.
La ministre McKenna n’entend pas mettre fin à cette pratique. Au contraire, elle la défend. « C’est important d’avoir les photos pour transmettre le message du travail que le gouvernement fait », a-t-elle dit sur les ondes de Radio-Canada. Mais en quoi les multiples clichés pris, par exemple, lors de sa dernière visite à Québec m’informent-ils sur la teneur de ses rencontres ? Le communiqué distribué directement à la presse mardi n’offrait qu’un seul lien, celui vers l’album de la ministre sur la page Facebook du ministère.
Les citoyens ne sont pas des bambins à qui on offre des livres d’images pour découvrir le monde. Les gens naviguent sur les sites gouvernementaux pour trouver de l’information sur des choses précises. Les photos ont leur fonction, mais quand l’image a préséance sur le contenu, on verse aisément dans la promotion personnelle. (Et que dire de la galerie de photos sur le site du premier ministre ?) C’est ce travers qui doit être remis en question et cela aurait l’avantage de réduire les frais de tout le monde.
Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.