Pour un droit réel à l’avortement

La Cour suprême des États-Unis vient de faire une brèche attendue dans la stratégie privilégiée depuis des années par le mouvement pro-vie américain. Les États et leur pouvoir de réglementation en matière de soins de santé ne pourront plus aussi aisément servir à limiter le droit à l’avortement. Il était temps, car il y a encore beaucoup à faire.

Lundi, la majorité des juges ont déclaré inconstitutionnelles deux dispositions d’une loi texane adoptée en 2013. Ils ont jugé qu’elles imposaient un fardeau indu aux femmes souhaitant exercer leur droit à l’avortement. La première mesure, qui touchait les médecins, a déjà conduit à la fermeture de la moitié des cliniques d’avortement du Texas. La seconde, qui imposait des coûts exorbitants aux cliniques restantes, menaçait la survie de dix autres, n’en laissant plus que neuf pour tout l’État.

La loi texane a pu être invalidée parce qu’une clinique et des professionnels de la santé ont eu les moyens de la contester. Sans eux, le droit des femmes à l’avortement aurait continué d’être bafoué en toute impunité dans cet État. D’autres contestations pourraient suivre, y compris au Texas, où le reste de la loi reste en vigueur. Selon le Guttmacher Institute, qui fait la promotion de la santé reproductrice aux États-Unis, 38 États ont des lois ou des règlements qui limitent l’accès à l’avortement en imposant des contraintes médicales, financières ou autres.

Au Canada, le droit à l’avortement est limité avant tout par le manque de ressources, dont la répartition demeure un choix politique. Les écarts entre provinces peuvent être importants. Le Québec est la province la mieux desservie. Par contre, il aura fallu l’amorce d’une action en justice pour que le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard annonce à la fin mars la levée de son opposition à l’avortement et l’offre de services d’ici la fin de 2016.

Le droit à l’avortement au Canada est aussi régulièrement remis en question par certains députés fédéraux. Depuis l’arrêt Morgentaler en 1988, une quarantaine de projets de loi et motions ont été présentés à ce sujet, sans succès. Heureusement.

On peut trouver rassurant que le gouvernement actuel fasse de la défense du libre choix des femmes une ligne de parti. La vigilance s’impose cependant, car certains persistent à y voir une atteinte à la liberté de conscience des députés.

Or un député qui use de son pouvoir pour imposer sa morale nie aux femmes l’exercice du même droit fondamental qu’il invoque pour lui-même. Le libre choix en matière d’avortement va de pair avec le respect de la liberté de conscience des femmes. Ces libertés sont indissociables. Combien faudra-t-il encore de jugements pour le faire comprendre ?

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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