L’épée de la CAP
Jeudi 10 mars : pendant que Gaétan Barrette s’offusquait d’avoir été qualifié de Tartuffe par Pierre Karl Péladeau ; que Philippe Couillard donnait de condescendantes leçons d’« ouverture » à François Legault ; que le chef du Parti québécois assimilait sur son compte Facebook les réponses du premier ministre à une « attaque en règle contre le parlementarisme », des élus de tous les partis, sans partisanerie, s’illustraient ailleurs à l’Assemblée nationale. Et au sujet d’une « vraie affaire » : les contrats informatiques. Où ? À la Commission de l’administration publique (CAP), institution héritière du fameux Comité des comptes publics. De la CAP Le Devoir s’inquiétait il y a un an (voir « Farces de contrôle », 18 février 2015). Ce qui s’est passé jeudi nous porte à croire qu’il y a eu progrès dans les activités de contrôle de cette commission.
La CAP entendait ce jour-là la vérificatrice générale (VG) qui, dans un rapport touffu déposé en novembre, avait décrit plusieurs phénomènes troublants liés au merveilleux monde de l’informatique : contrats à taux journalier, soumissionnaire souvent unique, conflits d’intérêts apparents dans la préparation d’appels d’offres, omniprésence des consultants, recommandations antérieures du VG systématiquement ignorées. Ces éléments, avait affirmé Mme Leclerc en novembre, « augmentent le risque de collusion et de corruption ».
Devant la CAP jeudi, les dirigeants du Conseil du trésor, de Revenu Québec et de la CSST avaient été conviés. Ils furent questionnés sans ménagement par les parlementaires au sujet des découvertes de la VG. Au terme de l’exercice, le député libéral de Saint-Maurice, Pierre Giguère, lança : « Ça fait deux heures que je vous écoute et, honnêtement, je ne peux pas vous dire que j’ai vraiment plus confiance. » La VG exprima à peu près le même sentiment de désespoir devant l’apathie des grands bureaucrates présents.
La CAP fera bientôt rapport au gouvernement, rapport qui contiendra des recommandations dont on ignore la teneur pour l’instant. On peut espérer qu’elles contiendront l’expression d’une impatience : qu’attend le gouvernement Couillard pour créer le poste de commissaire aux contrats publics qu’il avait promis en octobre ? La commission Charbonneau n’a-t-elle pas réclamé la mise sur pied d’une Autorité des contrats publics ? Pour l’informatique, ça urge. En clair, si la renaissance de la CAP est bien réelle, son rapport contiendra des propositions précises visant à réduire la proximité risquée et, dans certains cas, potentiellement criminelle, d’une certaine haute fonction publique avec de grands fournisseurs de services informatiques.