Faire un choix clair

Le NPD pouvait sérieusement prétendre au moment du déclenchement de la dernière élection pouvoir former le prochain gouvernement. Le 19 octobre, il s’est retrouvé à nouveau cantonné à son rôle traditionnel de tiers parti. Plusieurs rendez-vous attendent ses militants, dont ce printemps un congrès où ils seront invités à renouveler leur confiance à leur chef, Thomas Mulcair.


Comme il se doit en pareilles circonstances, plusieurs questions se posent sur le leadership de Thomas Mulcair. L’échec électoral du 19 octobre peut sans doute lui être imputé pour une large part. Il est vrai qu’il n’a pas toujours été à la hauteur des attentes sur le plan de la communication du message de son parti, mais l’on retiendra surtout l’échec de cette stratégie qu’il avait préconisée consistant à déplacer le programme néodémocrate de la gauche vers le centre pour rassurer l’électorat.

En réalité, Thomas Mulcair ne peut être tenu pour seul responsable de cet échec. Élu chef de ce parti par une forte majorité, il n’avait pas caché au moment du congrès sa volonté de procéder à un aggiornamento et de revoir certaines orientations historiques du parti, dont le retrait des statuts du parti de toute référence au socialisme. Les militants l’ont suivi d’autant plus que le chef précédent, Jack Layton, avait commencé à changer l’image du parti, ce qui lui avait permis à l’élection de 2011 d’obtenir le statut d’opposition officielle. Devant la perspective de pouvoir enfin monter la dernière marche du podium, tous avaient resserré les rangs derrière leur chef.

Le NPD n’a jamais été cruel envers ses chefs. Étant un parti d’opposition, les militants n’ont jamais attendu de leur chef le pouvoir. Ils n’ont pas pour réflexe de chasser leur chef au lendemain d’une défaite. Aussi, Thomas Mulcair est-il sorti de la réunion de l’aile parlementaire de son parti à Montebello cette semaine avec l’appui de ses députés.

La ligne d’attaque adoptée par les députés contre le gouvernement Trudeau — combattre les inégalités — est rassurante pour les militants. Ils retrouveront là leur préoccupation à l’égard de la solidarité sociale qui a fait du NPD la conscience sociale du Canada. Ils auront beau jeu de mettre les libéraux, qui se sont fait élire sur un programme de gauche, face à leurs propres contradictions.

Ce repli sur un terrain connu est sans doute naturel dans les circonstances. On retrouve sa zone de confort. Il ne faudrait pas toutefois conclure de la défaite du 19 octobre que le NPD doit abandonner toute volonté de transformation. Avant toute chose, une réflexion s’impose sur les causes profondes de la défaite qui vont bien au-delà du leadership de Thomas Mulcair.

Le virage entrepris par le parti était en soi porteur de confusion. Il était difficile pour l’électeur ordinaire de comprendre que ce parti aux racines sociales-démocrates adopte subitement des politiques attribuées à des partis de droite, tel cet engagement pris de maintenir l’équilibre budgétaire en dépit d’un contexte économique justifiant des déficits.

Un virage aussi abrupt ne pouvait qu’éloigner les électeurs plutôt que les rassurer. La défaite était d’autant plus inévitable que l’adversaire libéral prenait le contre-pied du NPD en se déplaçant à gauche. Aujourd’hui, les militants néodémocrates se retrouvent devant deux choix. Le premier consiste à revenir aux positions traditionnelles de leur parti. Cette voie, le passé l’a montré, les condamne à l’opposition. Le deuxième choix consiste à plutôt persister dans le repositionnement entrepris avec Thomas Mulcair. Dans ce cas, on connaît les erreurs à éviter. La leçon à tirer de l’élection du 19 octobre est que le NPD doit faire des choix clairs. Son programme ne peut être à la fois de gauche et de droite.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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