Un rendez-vous heureux
Jean-Paul L’Allier n’était pas citoyen de souche de la ville de Québec. Il n’était ni de la haute ville ni de la basse ville. Né dans la région de Montréal, il fait ses premiers pas politiques comme député du comté des Deux-Montagnes. Mais il était écrit que leurs destinées allaient se croiser. Adolescent, il était tombé en amour avec Québec, dont il fera sa ville d’adoption en 1976 et pour laquelle il entretient l’espoir d’un avenir meilleur, comme il l’exposera dans des chroniques rédigées pour Le Devoir au cours des années 1980. Aussi, c’est tout naturellement qu’il se portera candidat à la mairie en 1989.
Ce rendez-vous entre Jean-Paul L’Allier et Québec fut heureux. Si, comme membre du gouvernement Bourassa de 1970 à 1976, il contribua à donner de solides assises aux politiques culturelles québécoises, c’est comme homme politique municipal qu’il laissa l’empreinte la plus forte. Il a fait de Québec une ville nouvelle à tous égards, sur le plan urbanistique comme sur le plan politique, lui donnant un élan dont ses successeurs profitent encore.
Québec a toujours rêvé de grandeur, se voyant la rivale de Montréal, sur laquelle elle prenait modèle. Dans les années 60 et 70, le maire Gilles Lamontagne fait couler à flots le béton, aussi bien sur les rives de la rivière Saint-Charles que sur la colline parlementaire. Les autoroutes, symboles de la modernité, vident Québec de ses citoyens au profit des banlieues qui eurent tôt fait de l’étouffer.
Tout l’intérêt de la rencontre entre Québec et Jean-Paul L’Allier tient au fait que cette ville a besoin d’être rénovée et refaite et que son nouveau maire veut en faire une ville pour ses citoyens, une ville où il fait bon vivre et qui se doit d’être belle, comme la nature a voulu qu’elle le soit. Il reverdit les berges de la Saint-Charles, condamne l’autoroute urbaine de la colline parlementaire, fait revivre le quartier Saint-Roch, obtient le statut de patrimoine mondial de l’UNESCO, amorce la promenade Champlain sur les rives du fleuve.
On peut croire aujourd’hui que ces réalisations allaient de soi, mais il aura fallu à Jean-Paul L’Allier vaincre l’esprit conservateur de sa ville. Il lui a fallu surtout se battre contre l’esprit de clocher des banlieues qui récusaient toute vision de développement régional. Leur attitude le persuada de la nécessité de les intégrer dans une nouvelle ville de Québec. Il fit accepter l’idée au gouvernement de Lucien Bouchard et convainquit la population que l’avenir de Québec était en jeu. Le maire Régis Labeaume soulignait mardi toute l’audace et tout le courage dont fit preuve son prédécesseur dans cette bataille dont le résultat permit à Québec de retrouver les moyens financiers et le poids politique nécessaires à son développement.
Si les citoyens de Québec suivirent Jean-Paul L’Allier dans ses projets, c’est qu’ils le savaient droit, engagé au-delà de toutes lignes partisanes à être à leur service et prêt à les consulter et à les entendre. Ils ont reconnu en lui le visionnaire inspirant qu’il était, capable de changer les choses durablement. Le legs qu’il leur laisse est une ville plus forte, plus riche, qui mérite son statut de capitale nationale. Contrairement à d’autres maires légendaires, il ne laisse pas aux générations futures d’ardoise à nettoyer. Il aura été un homme politique comme on voudrait qu’ils soient tous, à la fois inspirant et créateur de bien-être commun.
Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.