«Ça suffit», en effet
La présidente de la Fédération des médecins spécialistes, Diane Francoeur, a tout à fait raison : les médecins « ne méritent pas de se faire traîner dans la boue ». Ils nous soignent, exercent des professions non seulement précieuses, mais exigeantes. C’est d’ailleurs pourquoi les Québécois, généralement, « acceptent le traitement spécial, privilégié, qui leur est octroyé », comme le notait Claude Castonguay, le père de l’assurance maladie au Québec, dans son livre Santé, l’heure des choix (Boréal, 2012).
Il y a toutefois des limites. Ce que la vérificatrice générale a révélé dans son rapport, malgré les nuances soulevées vendredi par Mme Francoeur, nous fait comprendre qu’il y a eu abus de privilège, dans les dernières années. Sans que les citoyens qui paient la note en aient vraiment pour leur argent. Et il semble que nous ne soyons pas au bout de nos découvertes. Dernier exemple : on sait que les médecins ne sont pas des salariés et refusent de l’être. Ils veulent garder leur autonomie. Mais selon ce que révélait La Presse vendredi, ils ont accès à une « clause remorque » qui leur permettra, lors de l’entente actuellement en négociation, d’obtenir une hausse au moins égale à celle des salariés de l’État ! Ce qui impliquera au minimum un coût supplémentaire de 200 millions de dollars pour le trésor public, dans lequel on puise déjà plus de 6 milliards par année pour leur rémunération. Reprenons une litote de M. Castonguay : « Il serait difficile de conclure que les déficiences de notre système de santé sont causées […] par une trop faible rémunération des médecins. » Surtout que les récentes hausses se sont accompagnées de baisses de productivité.
L’actuel ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a beau vouloir reporter l’entière responsabilité des abus de privilège sur les gouvernements du Parti québécois, il ne trompe personne : il est bel et bien à la source, comme ancien — et efficace — président de la FMSQ, de certains d’entre eux. D’ailleurs, sa situation particulière l’a contraint à annoncer qu’il serait des plus fermes lors des prochaines négociations avec ses anciens (et peut-être futurs ?) collègues, maintenant qu’il se trouve de l’autre côté de la table. Autre médecin spécialiste, le premier ministre, Philippe Couillard, a senti le besoin de tracer une ligne quant à la rémunération : « Je pense que là, ça suffit. Je pense que s’il y avait un rattrapage à faire, il a été fait. »
L’erreur serait de se borner à négocier uniquement la hauteur de la rémunération. Il est temps, comme l’a souvent dit M. Castonguay d’ailleurs, d’en améliorer les mécanismes. On peut dire aussi du modèle actuel : « Ça suffit. »