Incohérences
Évidemment, la volte-face de Pierre Karl Péladeau au sujet du projet d’oléoduc Énergie Est a de quoi étonner. Mardi matin, ses députés Martine Ouellet et Sylvain Gaudreault rappellent que « le Parti québécois, comme vous le savez, est contre le projet ». En après-midi, de manière quelque peu déconcertante, le chef les rabroue presque. M. Péladeau dit avoir « lu dans le journal qu’ils étaient contre », ajoute avoir « entendu parler de Sylvain », puis taxe la position de ce dernier de simpliste.
Le nouveau chef, un néophyte en politique, semble clairement avoir des ennuis de communication avec ses ouailles, et inversement. Il prend connaissance de leur position « dans le journal » ! Les traite de simpliste ! Quand la question avait été posée à Sylvain Gaudreault, en matinée, il a entre autres eu ces mots : « Je ne peux pas répondre pour M. Péladeau. » Bonjour l’unité ! Justement, mercredi après-midi, M. Péladeau, par communiqué, se… ralliait à son caucus. Et donc au « simplisme » ?
Philippe Couillard et Pierre Arcand ont eu beau jeu, mercredi, de dénoncer « l’incohérence du Parti québécois sur ce dossier-là ». Mais s’il est très important que l’on connaisse la position du PQ sur la question, celui-ci ne forme toutefois pas le gouvernement… Et en plus, le parti au pouvoir, le PLQ, est loin d’avoir fait preuve d’une cohérence parfaite sur le sujet. On peut même parler, dans sa gestion, d’incohérence risquée pour les intérêts du Québec et de son environnement.
Souvenons-nous qu’en septembre 2014, le gouvernement était emballé par ce projet de pipeline appelé à traverser quelque 700 kilomètres en territoire québécois. M. Arcand avait livré un plaidoyer en sa faveur : « Il y a des avantages économiques. Ça crée des emplois, c’est un pipeline neuf, c’est la construction d’un nouveau pipeline sur l’ensemble du Québec. » Quelques jours plus tard, M. Couillard faisait sa fameuse sortie : puisque le Québec reçoit de la péréquation, dont une part provient de l’Alberta, il devait accepter le projet d’oléoduc. Il aura fallu la pression des citoyens, des groupes écologistes, un jugement de la Cour supérieure (dans l’affaire des bélugas), les exemples britanno-colombien et ontarien pour que le gouvernement sorte de son attitude béate et pose sept conditions.
TransCanada a abandonné l’idée de construire un port pétrolier à Cacouna, a retiré son projet. Promet d’en déposer un autre. Québec dit maintenant attendre ce nouvel avatar du projet ainsi que l’évaluation environnementale stratégique en cours sur la filière des hydrocarbures au Québec pour se prononcer. Sous cette « incohérence », toutefois, affleure l’antique préjugé favorable du gouvernement. « On ne peut pas être contre le bateau, le rail, le pipeline… », insistait M. Arcand mercredi.