Vrai verre vert

Le temps est venu d’instaurer enfin une consigne sur les bouteilles de vin au Québec. On a déjà trop attendu. La consigne est le système le plus efficace pour récupérer les matières. Ce qui aurait été autrement un déchet n’en est plus un : on lui donne une valeur. Le tri se fait à la source. Cela élimine pratiquement la contamination ; la réutilisation ou le recyclage en sont grandement facilités.

Heureusement, le gouvernement Couillard semble ouvert à l’idée. « Il est clair que la consigne fait partie de la solution face aux enjeux de lutte contre les changements climatiques, d’épuisement des ressources non renouvelables et de la qualité des écosystèmes », déclarait, début octobre, le ministre de l’Environnement David Heurtel. Nous l’encourageons à aller de l’avant. Mais la partie n’est pas facile. Il fait face à de forts lobbys anti-consigne, d’abord constitués des détaillants, qui détestent gérer les contenants utilisés et, au premier chef, la SAQ. Ils sont regroupés depuis dix ans dans Éco entreprise Québec. Ils ont récemment embauché Éric Salvail dans une pub promouvant le recyclage. Dans leur rapport annuel 2014, ils plaident contre l’élargissement de la consigne. Son élimination serait même l’idéal à leurs yeux, car celle-ci retire des bacs bleus la crème des matières : l’aluminium, le verre, surtout. Les gestionnaires de centres de tri profiteraient de l’élimination de la consigne et poussent dans le même sens.

Sous couvert de vertes vertus, ces lobbys pensent d’abord à eux. Non au bien commun. En effet, 99 % des Québécois ont accès à un bac bleu, mais il y a une crise du verre au Québec. Les bouteilles qu’on y lance à travers divers autres cartons, plastiques, etc., sont contaminées ; les entreprises qui pourraient les recycler n’en veulent pas. On promet une nouvelle vie au verre grâce à sa « micronisation ». Le marché ne semble pas en place.

De toute manière, l’idéal, dans la hiérarchie des 3RV-E (réduction à la source, réemploi, recyclage, valorisation et élimination), c’est la réutilisation. Ce que fait à merveille la consigne privée de l’industrie brassicole, où les bouteilles sont réutilisées en moyenne de 15 à 20 fois chacune. Le gouvernement devrait encourager l’extension de ce principe.

Certes, la consigne sur les bouteilles de vin ne conduirait pas à une telle réutilisation, mais à un recyclage. Au moins, on éviterait de briser nos incinérateurs avec du verre ou d’encombrer nos sites d’enfouissement. Dans notre Dominion, il n’y a qu’ici et au Manitoba que les bouteilles de vin ne sont pas consignées. Selon un récent sondage, 89 % des Québécois rapporteraient leurs contenants si la consigne était ainsi élargie aux bouteilles de vin. Les Québécois sont prêts. Le gouvernement ne devrait pas hésiter à foncer.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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