Farces de contrôle
Une des fonctions essentielles de nos élus, soit de contrôler et de surveiller la manière dont on dépense l’argent de l’État, est actuellement affaiblie au Québec. On ne le dit pas assez. Les élus s’en soucient-ils ?
Prenons le vérificateur général. Il témoignera aujourd’hui devant la Commission de l’administration publique (CAP) au sujet de son Rapport de gestion annuel. L’année « a été marquée par de nombreux départs », confie-t-il. Se disant « préoccupé par ce résultat », il compte proposer bientôt « des moyens de maintenir l’expertise dans mon organisation ». Pourquoi cette hémorragie ? Les comptables peuvent se trouver de bons emplois ailleurs, évidemment. Et si elle avait à voir avec le statut intérimaire de M. Samson ? Cet intérim ridicule, sans précédent, dure depuis le 1er décembre 2011 ! À cet égard, les partis violent leur propre motion adoptée le 3 juin 2014… Cette situation ne peut plus durer.
Par ailleurs, la CAP est une invention parlementaire d’importance. Anciennement, on parlait du comité des comptes publics. Maurice Duplessis y avait « déculotté » Vautrin. Les élus y travaillent de manière préférablement neutre et non partisane (son président est issu de l’opposition). Or, selon plusieurs parlementaires et observateurs, la CAP est devenue « une farce ». Légalement, elle est entre autres tenue de procéder « à la vérification de tous les engagements financiers de 25 000 $ et plus » autorisés par le Trésor, le Conseil exécutif ou les ministères.
À ce sujet, quel aveu déconcertant que celui de son président, Sylvain Gaudreault, en entrevue au Devoir, lundi : débordés, les membres de la CAP sont contraints de faire de l’approbation aveugle. La solution ? Hausser le seuil des engagements à examiner à 100 000, voire à 150 000 $ ? Pourquoi ne pas conserver le seuil actuel et y aller par examens aléatoires, moins nombreux, mais plus fouillés ? Autres problèmes de la CAP : contrairement à ce qui se passe à Ottawa par exemple, elle ne siège pas chaque semaine. Ses séances sont difficilement planifiables et souvent reportées parce que ses membres font partie d’autres commissions. Ils devraient se consacrer en exclusivité à la CAP.
L’ancien ministre des Finances, Nicolas Marceau, a déposé mardi un projet de loi créant un Directeur parlementaire du budget. Pourtant, quand il était au gouvernement, le PQ s’était opposé à la création d’un tel poste. Chose certaine, avant d’ajouter une autre structure, il faudrait mener une véritable réflexion sur celles qui sont en place. Réflexion à laquelle il faudrait ajouter un chapitre : l’étude des crédits budgétaires, devenue aussi « une farce » en raison, entre autres, des questions complaisantes des élus du parti au pouvoir.