Consignez!
Vous triez patiemment vos déchets. Placez notamment le verre dans un bac bleu ou vert. Mais au bout du compte, celui-ci, depuis plusieurs mois, aboutit à l’endroit où il aurait fini sa vie si vous l’aviez paresseusement foutu à la poubelle : au centre d’enfouissement. Au mieux, votre municipalité devra payer pour « valoriser » le verre : en faire par exemple de la poudre pour filtre à piscine.
Il y a quelque chose qui cloche au pays de la collecte sélective des déchets en ce qui a trait au verre. Cette matière qu’on y ramasse, comme l’ont bien démontré des groupes écologistes (les AmiEs de la Terre et le Front commun pour la gestion écologique des déchets), ne peut même pas être recyclée parce que dans nos bacs, le verre se contamine ; devient difficilement utilisable par des producteurs de verre recyclé. Pensons-y : la compagnie Owens Illinois à Montréal est même contrainte d’importer du verre pour assurer sa production ! Des usines qui transformaient le verre, comme Klareco, ont fermé leur porte.
Cette situation est absurde. Par conséquent, des écologistes réclament qu’on instaure une consigne sur les bouteilles vendues et achetées à la Société des alcools du Québec pour régler une partie du problème et mieux utiliser la matière. La consigne a démontré depuis des décennies son efficacité. Elle donne une valeur à ce qu’autrement on qualifierait de déchet. L’incitatif est puissant et les taux de retour, de réutilisation des bouteilles consignées démontrent l’efficacité de ce système.
En ce qui a trait à la récupération du verre, évidemment, quand il peut être consigné et réutilisé (on pense aux bouteilles de bière notamment), c’est l’idéal. Il s’agit du système le plus écologique. Si l’on retournait à la SAQ en masse nos bouteilles de vin et de spiritueux vides (dont le verre provient de dizaines de pays), les choses seraient sans doute plus complexes. Mais la matière ainsi récupérée aurait cependant plus de valeur que celle de nos bacs parce qu’elle ne serait pas contaminée. Des villes commencent à se rendre compte des avantages que représenterait pour elles la consigne des bouteilles de vin et spiritueux. La Ville de Québec, notamment, appuiera officiellement le principe d’une consigne sur les bouteilles de la SAQ.
Dans la dernière décennie, si la consigne avait été valorisée et si elle avait bénéficié du même type de soutien que la collecte sélective, nous aurions sans aucun doute aujourd’hui des systèmes de récupération et de recyclage du verre beaucoup plus efficaces. Ailleurs au Canada, des systèmes de consigne ont été implantés avec succès ; certains fonctionneraient même à « coûts nuls », notamment en Ontario.
Or, les représentants des commerçants au détail luttent contre le principe de la consigne ; préfèrent la collecte sélective des déchets. Dès qu’elles génèrent emballages, contenants, imprimés, les entreprises doivent, en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (depuis le 1er janvier 2013) assumer 100 % des coûts nets de collecte sélective, du transport, du tri et du conditionnement. Cela représente un montant de 118 millions de dollars. Cet argent pourrait et devrait être utilisé sur un système plus efficace. Pourquoi pas une extension du principe de la consigne ?
En 2012, le gouvernement Charest avait décidé de hausser de 5 à 10 cents la consigne (dite publique), cela fut annulé par la suite par le gouvernement Marois. Il fallait, disait-il, évaluer de manière objective l’efficacité comparée de la consigne et de la collecte sélective. Le mandat de faire cette étude a été donné en 2013 à un centre de recherche de l’Université Laval. Les résultats se font attendre. Espérons qu’ils seront assez clairs pour permettre une vraie amélioration de notre gestion du verre.