Engrenage dangereux
Le réengagement militaire des États-Unis en Irak décidé par le président Obama suit la voie tracée en 2003 par George W. Bush. Comme lui, il réunit une force internationale sous le drapeau étoilé plutôt que sous celui des Nations unies. À l’époque, le Canada avait dit non pour une question justement de drapeau. Mais cette fois, il y sera. Modestement, mais il y sera.
Le gouvernement Harper fait valoir que devant les exactions aveugles perpétrées par les djihadistes de l’État islamique (EI) contre les Kurdes et les Irakiens, « l’inaction n’est pas un choix ». Pourtant, les Kurdes que Stephen Harper veut soutenir aujourd’hui avaient souffert bien plus de la barbarie de Saddam Hussein que de celle des djihadistes aujourd’hui.
L’envoi de 500 conseillers, annoncé plus tôt cette semaine, a une allure symbolique, mais le Canada met le pied dans un engrenage dont on ne sait quand il s’arrêtera. Ce qu’en 2003 le gouvernement Chrétien avait à juste titre craint. Comme d’autres pays, le Canada estimait que la guerre menée par George Bush déstabiliserait la région, ce qui est bien le cas.
Le Canada, en 2003, ne s’était pas pour autant défilé de toutes responsabilités sur la scène internationale et s’était engagé dans l’action menée en Afghanistan. Stephen Harper aurait pu suivre cet exemple et participer à la place à la brigade de l’OTAN pour assurer un équilibre des forces en Ukraine. Mais sa posture idéologique et les fondements de sa politique étrangère ne lui donnaient pas le choix d’être ailleurs qu’aux côtés d’Obama, même s’il s’y retrouve en curieuse compagnie.
On trouvera ironique de voir que le gouvernement Harper devient tout à coup un allié objectif de membres de l’Axe du mal, dont l’Iran, qui est présent sur le terrain en Irak. Allié objectif aussi du régime Assad en Syrie dans son combat contre l’EI. Nouvel ami par ailleurs des Kurdes dont le Parti des travailleurs du Kurdistan fut considéré par Ottawa comme un mouvement terroriste. Mais les conservateurs de Stephen Harper ont assumé toutes leurs contradictions devant l’État islamique qui est, selon le ministre John Baird, la menace la plus grave qu’aura à affronter la présente génération.
Que fera le Canada en Irak ? On assure que, comme les Américains, les Canadiens n’interviendront pas dans les combats. Ils sont là pour apporter un soutien technique et des conseils aux forces kurdes et irakiennes. La situation sera à réévaluer au terme des 30 prochains jours, mais il est évident qu’il faudra prolonger cette intervention et peut-être s’engager dans des combats. Un débat s’impose aux Communes, comme le réclament les partis d’opposition.