Servir et protéger?
Tous les qualificatifs ont été utilisés à propos de la manifestation d’employés municipaux qui a dégénéré en une mini-émeute à l’hôtel de ville de Montréal lundi soir. Les manifestants, des pompiers et des cols bleus essentiellement, sont à blâmer sévèrement, tout comme leurs leaders, qui déplorent, presque avec un sourire en coin, la perte de contrôle qu’ils qualifient d’imprévue.
Les gestes de violence et le vandalisme commis ce soir-là sont choquants et inacceptables. L’est encore plus toutefois la participation passive des policiers du SPVM, qui ont détourné les yeux par complaisance parce qu’ils partagent les mêmes griefs à propos du projet de loi 3 sur les régimes de retraite.
L’attitude de ces policiers met en cause le lien de confiance entre ceux qui ont fait le serment de « servir et protéger » et ceux qui attendent leur protection. Aujourd’hui, ce lien est ébranlé, car les policiers ont eux-mêmes établi un double standard envers les citoyens, lié à la cause qu’ils défendent en descendant dans la rue. Le « gratteux de guitare » et l’étudiant contestataire sont généreusement bastonnés et poivrés, mais pas ceux dont on a jugé que la cause était juste et bonne. Cela est dangereux.
La solidarité des policiers montréalais avec tous ceux qui combattent le projet de loi 3 disqualifie d’emblée ce corps policier pour mener les enquêtes qui devront avoir lieu sur les actes posés lundi soir. Le risque de complaisance est réel. Même si ces enquêtes étaient menées avec la rigueur professionnelle qui s’impose, il y aurait toujours un doute qui existerait. De même, le service d’enquête interne du SPVM n’est pas apte à mener l’enquête qu’a décrétée le chef Marc Parent sur le comportement des policiers présents à l’hôtel de ville lundi soir et qui se sont faits complices des manifestants. Le maire Denis Coderre fait confiance à son service de police. Mais, question de rassurer les Montréalais, il devrait demander à Québec de confier à la Sûreté du Québec cette enquête.
La manifestation de lundi n’accroîtra pas la sympathie du public envers la cause des employés municipaux qui combattent le projet de loi 3. Néanmoins, il ne faut pas croire que leur colère diminuera pour autant. Les changements que veut mettre en place le gouvernement Couillard affecteront une majorité d’entre eux. Les plus touchés seront justement ceux qui étaient présents lundi soir devant l’hôtel de ville de Montréal. Leurs fonctions leur donnent un rapport de force important. Ils l’ont utilisé par le passé. Rappelons-nous le week-end rouge de 1974. Disons, pour reprendre l’expression d’un leader syndical, que le « presto » a sauté lundi soir. Bien. Mais une fois suffit !