Luxe ou besoin?

Le ministre des Transports du Québec, Robert Poëti, a soulevé les pires craintes chez les élus de la Communauté métropolitaine de Montréal en refusant de confirmer le choix fait par le gouvernement précédent d’un système léger sur rail (SLR) pour relier la Rive-Sud au centre-ville de Montréal via le futur nouveau pont Champlain. Il est sage de prendre le temps de s’assurer de l’efficience et des coûts de ce projet afin de faire le bon choix.

Le débat autour du nouveau Champlain mobilise depuis des mois les élites politiques de la région de Montréal. La première étape fut de gagner le gouvernement Harper à la nécessité d’un nouveau pont, dans les délais les plus courts possible. Il y aura un nouveau pont pour 2018, mais ce ne sera pas l’icône architecturale rêvée et les automobilistes devront payer pour l’emprunter. À cet égard, la déception est grande, mais les élus de la région pouvaient se consoler grâce à la décision de Québec d’opter pour le SLR comme mode de transport en commun sur le pont, plutôt que l’autobus.

 

Comme le font tous les nouveaux gouvernements en arrivant au pouvoir, celui auquel participe Robert Poëti soulève toutes les pierres pour s’assurer de la valeur des projets trouvés sur la table à dessin. Les derniers mois d’un gouvernement s’accompagnent d’un activisme qui fait fleurir beaucoup de projets préparés à la hâte.

 

Le projet de SLR ne peut être qualifié de projet électoraliste, mais la décision du gouvernement Marois d’opter pour cette solution a certainement été influencée en partie par l’engouement général pour cette technologie qui était partagé par tous, y compris par les députés de tous les partis qui voyant venir les élections n’allaient surtout pas aller à contre-courant de cette opinion. Le nouveau gouvernement voyant des prévisions de coûts qui allaient du simple au double, jusqu’à 2,5 milliards, était justifié d’avoir des hésitations et de repousser d’un an toute décision.

 

Le processus d’évaluation que mènera l’Agence métropolitaine des transports permettra d’étudier trois options : un service de navette par autobus tel qu’on le connaît ou dans une version améliorée et le SLR. On mesurera leur efficacité respective sur le plan de la desserte offerte aux usagers, notamment quant au gain de temps, et leur impact sur le plan urbain et environnemental. Le bilan sera tout autant financier que social.

 

Les questions à répondre sont nombreuses. Ainsi, au-delà du fait que le SLR offre une vitesse de circulation élevée et un confort que n’offriront jamais les autobus, les études réalisées jusqu’ici montrent que le gain de temps réel ne sera que de quelques minutes pour l’usager en raison des correspondances modales. Actuellement, celui-ci peut par autobus aller directement de son quartier au centre-ville, ce qui ne sera pas possible avec le SLR. Pour certains, le temps de transport sera même allongé. Même l’argument d’un mode de transport propre qu’offre cette technologie mue à l’électricité ne tient pas la route puisque les autobus hybrides ou électriques seront bientôt disponibles.

 

En fin de compte, le SLR pourrait néanmoins l’emporter sur l’autobus en raison de l’impact que le transport par autobus aura sur la circulation au point d’arrivée au centre-ville. Ce sont les citoyens du quartier Griffintown qui subiront la congestion qui en résultera. La qualité des équipements et leur confort pourraient amener par ailleurs plus de citoyens à délaisser leur automobile pour le transport collectif. Mais leur nombre vaudra-t-il l’investissement ? On peut certes se laisser séduire par une technologie qui amènerait Montréal au XXIe siècle, mais encore faut-il que le SLR ne soit pas un luxe que l’on s’offre, mais qu’il réponde à nos besoins et à nos moyens. C’est ce qu’il faut établir.

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