Postes Canada - La mort du facteur

Postes Canada annonce une importante augmentation du prix des timbres et la fin de la livraison du courrier à domicile. Bien sûr que l’avènement du courrier électronique y est pour beaucoup dans cette décision, mais il y a aussi l’incapacité du gouvernement fédéral à gérer efficacement ses sociétés d’État.

 

ère où le bon facteur livrait le courrier de porte en porte tire à sa fin. D’ici cinq ans, Postes Canada prévoit supprimer entre 6000 et 8000 emplois, réduire les heures d’ouverture de ses bureaux et installer des boîtes communautaires dans toutes les villes du pays.

 

Le tiers des 15,3 millions de ménages canadiens reçoit le courrier à domicile, les deux autres tiers étant déjà soumis à la formule des boîtes communautaires ou à celle de la case postale.

 

La justification de ces changements tient à la situation financière de Postes Canada, dont le déficit pourrait grimper à un milliard par année d’ici 2020, selon le Conference Board, à cause du monstrueux déficit de 6,5 milliards à la caisse de retraite et des nouvelles technologies de communication.

 

Déjà, chacun a pu remarquer qu’il y a beaucoup plus de dépliants publicitaires que de lettres et même de factures dans nos boîtes à lettres. Depuis cinq ans, Postes Canada a connu une chute du volume de courrier de près du quart.

 

Cela dit, cette opération sent l’improvisation et la panique. Il y a quelques mois, la rumeur voulait que Postes Canada ne distribue le courrier qu’un jour sur deux. Il faut croire que les réactions ont été suffisamment négatives pour inciter le gouvernement Harper à pousser la société d’État vers une solution moins risquée politiquement.

 

Après tout, ce ne sont pas les citadins qui élisent des candidats conservateurs dans le reste du pays, mais les gens des banlieues et des régions rurales ! Qu’ils marchent, ces urbains gauchistes, ils n’en mourront pas !

 

Or, il faudra les installer quelque part, ces boîtes communautaires, mais Postes Canada refuse de dire où. Ce qui fait craindre le pire : on ne parle pas de quelques boîtes par-ci par-là, mais de dizaines de milliers dans les quartiers densément peuplés.

 

En ville, ces boîtes d’un esthétisme douteux doivent être situées à proximité des résidences pour éviter les déplacements motorisés, et bien en vue pour contrer le vandalisme et le vol. Qui s’offre à prêter son terrain ? On ne va quand même pas les planter dans les parcs et les cours d’école, pas plus que sur les trottoirs, alors où ? La vigilance s’impose pour éviter qu’on transforme nos villes en pigeonniers à l’effigie de Postes Canada.

 

Malgré les efforts consentis sur le tard pour s’adapter aux nouvelles règles du marché, Ottawa n’a pas réussi à insuffler le vent de changement nécessaire pour que Postes Canada prenne la place qui lui revient dans la livraison rapide du courrier, le commerce électronique et, pourquoi pas, les transactions financières comme cela se fait ailleurs dans le monde.

 

Certains souhaiteraient qu’on privatise Postes Canada comme le gouvernement britannique l’a fait de la Royal Mail, dont la valeur de l’action a explosé en Bourse depuis. Cela ne réglerait pourtant pas le problème, à moins de suivre aussi l’exemple de Londres, qui a pris à sa charge la totalité des 17 milliards de déficit du régime de retraite. Pas de doute que si Ottawa faisait de même pour Postes Canada — ce que personne ne souhaite —, celle-ci n’aurait pas besoin de mettre fin à la livraison à domicile pour foncer vers l’avenir.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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