Défaut de paiement des États-Unis - Coup de tonnerre

Au lendemain de la débâcle financière de 2008, le gouverneur de la banque centrale chinoise avait provoqué un coup de tonnerre en réclamant la fin du dollar américain comme valeur refuge par excellence. Voilà qu’à la faveur de la paralysie du gouvernement américain par des élus républicains irresponsables, en Asie, en Europe et ailleurs, la question est de nouveau posée avec plus d’acuité.

 

igne de l’exaspération qu’a suscitée l’ébranlement aussi politique qu’économique conçu il y a des mois de cela par les nervis du Tea Party qui ont infiltré le Parti républicain, un florilège d’analyses ayant le dollar comme dénominateur commun ont été publiées pendant comme après la crise. Parmi ces analyses, on a retenu celle parue le 16 octobre sur le site Project Syndicate, car son titre résume de la façon la plus précise qui soit le débat évoqué : Mettre fin au privilège exorbitant de l’Amérique. Le signataire ? José Antonio Ocampo, professeur à Columbia, ex-secrétaire général adjoint des Affaires économiques et sociales de l’ONU et ex-ministre des Finances de Colombie. Bref, l’homme appartient à la catégorie des initiés aux arcanes monétaires du « monde mondial. »

 

De son exposé, il faut retenir et méditer le constat suivant : « Pour dire les choses simplement, l’économie mondiale a en son centre un régime politique dysfonctionnel [les États-Unis], qui génère des menaces de défaut récurrentes sur le principal actif de réserve du monde » qu’est le dollar américain. La dernière de ces menaces a d’autant plus agacé les principaux créanciers des États-Unis que sont la Chine et le Japon, ainsi que les Européens et les dirigeants des pays émergents, qu’elle a frôlé « l’abus de confiance », pour reprendre l’expression aux accents graves qu’a employée Michael Spence, Prix Nobel d’économie.

 

On insiste : on a frôlé « l’abus de confiance » et tout ce que cela suppose de contrecoups politiques majeurs, pour ne pas dire violents, parce que des républicains ont été habités par la volonté délibérée, consciente, de faire un défaut de paiement « non forcé », ainsi que le souligne Spence, par des faits strictement économiques. Autrement dit, des républicains ont souhaité tracer la diagonale du fou en usant un véhicule financier à des fins politiques logeant à l’enseigne du fanatisme. Sidérant !

 

Le pire, c’est qu’en ayant agi comme on sait, les hurluberlus du Tea Party ont d’ores et déjà endommagé leur pays sur la scène internationale. En effet, il est écrit dans le ciel que le monde va être témoin de la répétition du fait macroéconomique majeur amorcé en 2009. De quoi s’agit-il ? Au lendemain de la faillite de Lehman Brothers et des remous qui lui étaient afférents, les créanciers, notamment la Chine, le Japon, le Brésil et la Russie, ont acheté des masses d’euros. De fait, le pourcentage de dollars détenu par ces nations est passé de 80 % à moins de 60 %. Inversement, le pourcentage d’euros a été hissé de 20 à 40 %.

 

Cela étant, l’euro ayant résisté à la crise et qui plus est sujet d’un renforcement des règles balisant son usage, il faut s’attendre à une modification des pourcentages ci-dessus au profit évidemment de l’euro. À moyen terme, il est plausible qu’une montée en puissance de cette dernière apporte de l’eau au moulin à ceux qui voudraient le remplacement du dollar par les droits de tirage spéciaux administrés par le FMI. Des droits adossés à un panier de monnaies regroupant le dollar, l’euro, le yen et celles des pays émergents. Mettons… mettons que le coefficient de difficulté inhérent à la gestion du panier soit si élevé qu’on déboucherait sur une espèce d’auberge espagnole de la finance.

 

Le pire (bis) est que l’on peut s’attendre, au cours des prochains mois, à ce que tous les pays mentionnés exigent la mise en oeuvre de la réforme du FMI discutée en 2010. Comme quoi c’est à se demander si le Parti républicain n’est pas celui des masochistes.

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