Électrification - Une fuite en avant?
Dans sa Politique économique rendue publique la semaine dernière, le gouvernement du Parti québécois consacre 30 pages au seul projet d’électrification des transports. 217 millions pour « favoriser l’utilisation des véhicules électriques » ; 35 millions pour créer un Institut du transport électrique ; 12 millions pour construire une auto électrique et 50 millions pour attirer de gros joueurs, dont « un assembleur de calibre mondial » ; 34 millions pour l’innovation et encore 43 millions pour le soutien à l’investissement, sans parler du trolleybus, du train léger sur rails et du prolongement du métro de Montréal…
En tout, s’il était réélu, ce gouvernement serait prêt à consacrer un demi-milliard en trois ans à l’électrification des transports, en plus des dépenses d’infrastructures et du remplacement des véhicules.
Ceux qui disaient que le Québec traînait les pieds peuvent ravaler leur salive : il y a à boire et à manger dans cette politique dont les détails seront précisés en novembre.
Cela étant dit, tout le monde n’approuve pas cet élan effréné vers l’électrification. Mardi, dans Le Devoir, l’expert en politiques énergétiques de HEC Pierre-Olivier Pineau appelait à « court-circuiter cette fausse bonne idée avant qu’il soit trop tard ». Ce n’est pas parce que le Québec produit beaucoup d’électricité qu’il faut investir aussi massivement dans l’électrification des transports, soutient-il.
Il n’a pas tort. Car même si on atteignait l’objectif du gouvernement Charest qui était de placer 300 000 véhicules électriques sur les routes d’ici 2020, cela ne changerait rien au bilan des émissions de gaz à effet de serre puisque ce nombre correspond tout au plus à celui des véhicules qui circuleront en sus des quatre millions actuels. Et la congestion n’aura fait qu’empirer.
D’ailleurs, ce chiffre de 300 000 est lui-même utopique. Depuis deux ans, pas même 1000 acheteurs ont opté pour l’auto électrique malgré la subvention de 8000 $. On veut bien rêver d’un engouement pour l’autopartage après une éventuelle entrée en scène d’un « assembleur de calibre mondial », mais de là à s’imaginer que l’auto électrique réglera les problèmes…
Quant à l’électrification des transports publics, encore là, tout est question de dosage. Pour le métro et le trolleybus, cela va de soi. Pour les trains de banlieue qui ne roulent pas déjà à l’électricité, c’est moins évident tant que le CP et le CN n’y trouveront pas leur compte.
En fait, si Québec veut réduire la congestion sur les routes et notre dépendance au pétrole, il doit avoir le courage d’augmenter l’offre et la qualité du transport collectif en même temps que les taxes sur l’essence et sur les véhicules énergivores, et ce, bien avant d’investir massivement dans l’électrification. C’est bête, mais c’est comme ça.