Lutte contre l'évasion fiscale - Avancée timide
Dans le cadre du G8 tenu en Irlande du Nord, le premier ministre britannique Dave Cameron vient de remporter une manche sur les consommateurs avides de paradis fiscaux. Il a en effet convaincu ses homologues d’adopter l’architecture conçue pour la mise en place d’un système d’échanges d’informations. Quand on sait que la lutte contre l’évasion croupissait dans la cave où sont entreposés les oublis de l’histoire, l’initiative du Britannique mérite d’être saluée.
D’autant que le système en question prévoit ceci : échange automatique de données fiscales ; obligation de modifier les règles permettant aux entreprises de concentrer leurs bénéfices dans des pays fiscalement complaisants ; obligation pour les entreprises de communiquer la ventilation des impôts par pays ; obligation de dévoiler les noms des actionnaires dirigeants et des plus influents. De ces balises, il faut se féliciter.
Reste que deux faits ou, plus exactement, deux absences vont en restreindre la portée. Sous l’impulsion des États-Unis, de l’Allemagne et du Canada, la confection d’un registre dans lequel seraient regroupées les identités des sociétés-écrans, des entreprises fantômes, a été écartée. Non seulement ça, l’application du train de mesures annoncées plus haut n’a pas été fixée dans le temps. Autrement dit, ces mesures pourraient rester lettre morte.
En fait, il faut espérer et prier tous les dieux du ciel qu’une forte majorité des pays membres du G20, si ce n’est tous les membres, adopteront à leur tour la politique proposée par Cameron lors de leurs sommets plus tard cet été. Car à bien des égards, il y a urgence. Année après année, on estime qu’environ 30 000 milliards échappent à l’imposition. En Europe, soit un continent où la majorité des pays éprouvent toutes les difficultés du monde à équilibrer leurs budgets, ce vice fiscal avoisine au minimum les 1000 milliards.
Cela rappelé, les Européens du G8 sont parvenus à convaincre leurs collègues américains, japonais et russes qu’il fallait à tout prix trouver les moyens efficaces pour contrer les conséquences très perverses de l’optimisation fiscale. Cette optimisation qui fait que Google, Amazon, Starbucks, Apple et autres ne paient pas un sou d’impôt ou si peu sur la vente de leurs produits en Allemagne et en France, qui constituent leur principal marché. À ce propos, s’il en va ainsi, c’est que pour certains pays, la solidarité européenne doit être ramenée à un souhait partagé par les crédules. On pense ici à l’Irlande, qui a bénéficié des milliards accordés par Bruxelles pour s’extirper de la pauvreté et qui, depuis lors, se pose en champion de l’évitement fiscal pour le bonheur de Google et consorts. Bref, à sa manière, l’Irlande est Suisse.
Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.