Barroso contre l'Europe - Les réactionnaires

Ce n’est pas la première fois et probablement pas la dernière que le président de la Commission européenne (CE) José Manuel Barroso aura mis en relief son penchant pour le culot. De quoi s’agit-il ? Au premier jour du sommet du G8, il a qualifié de réactionnaire le principe d’exception culturelle au nom duquel l’audiovisuel a été soustrait des négociations sur le traité de libre-échange entre les États-Unis et l’UE.


Il faut bien comprendre qu’en se posant en adversaire du principe en question, Barroso s’est défaussé de ses responsabilités. Car contrairement à Angela Merkel, François Hollande ou Enrico Letta, il n’a pas été élu, mais coopté. À ce titre, il lui revient de se faire l’avocat des mandats qui lui ont été confiés, et non l’inverse. Dans le cas qui nous occupe, il faut rappeler qu’au terme de pourparlers qui s’étaient prolongés pendant 14 heures (!), les 27 ministres concernés avaient convenu d’adopter le principe de l’exception culturelle. Auparavant, il faut le retenir, une bonne majorité de députés européens de tous bords politiques avait voté la proposition française. Antérieurement, les cinéastes européens, les Wim Wenders, Stephen Frears, Ken Loach, Pedro Almodovar et beaucoup d’autres avaient exprimé leur enthousiasme pour la diversité culturelle qu’induit la position défendue par Paris, mais qui agace au plus haut point la Maison-Blanche.


À preuve, lors d’une vidéoconférence préparatoire au G8 et tenue après les discussions de vendredi dernier, Barack Obama a prévenu que si cette position demeurait en l’état, des représailles seraient commandées. En agissant comme on le sait, Barroso a confirmé combien il était habité par la fibre de l’ultralibéralisme. Il a confirmé de fait que son aveuglement idéologique avait été et reste le moteur de son incapacité à gérer les crises financières qui traversent le continent européen d’un extrême à l’autre. Enfin, il a illustré avec éclats, c’est le cas de le dire, le comment et le pourquoi de ceci : il a présidé, contrairement à tous ses prédécesseurs, à l’évolution de ces remous politiques qui ont affaibli l’Europe. Bref, Barroso est un incompétent.


Un incompétent pétri d’arrogance. En effet, il faut savoir qu’interpellé en plein milieu du G8 par les leaders concernés et au premier chef par François Hollande, Barroso n’ayant pas eu le courage de son opinion, il a botté en touche en laissant entendre qu’en fait, les réactionnaires étaient les artistes. La semaine dernière, une délégation d’entre eux menée par Costa-Gavras, le très réactionnaire réalisateur de Z, L’aveu, État de siège ou Capital,avait rencontré Barroso afin d’exposer les vertus de l’exception culturelle qui s’avère, soit dit en passant, un excellent antidote au totalitarisme culturel. Résultat ? Selon Barroso, ces derniers seraient des tartuffes parce qu’ils s’opposent à la mondialisation évidemment radieuse des affaires comme de la culture.


Cette histoire permet de marteler mille fois plutôt qu’une que les réactionnaires de Barroso sont ceux qui traduisent le plus de livres au monde. Et ce, dans les proportions de la… générosité !

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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