Absence de l’histoire sur nos écrans - Cinéma politique, SVP
On ne tourne pas assez de films et de séries télévisées touchant à l’histoire politique du Québec, de nos jours. Il faut le dire et le déplorer, dans la foulée de notre dossier de la fin de semaine portant sur l’actuel succès du filon historique au cinéma américain : Lincoln, Argo, Opération avant l’aube et Django déchaîné se retrouvent tous en lice aux Oscar.
Au Québec, tout se passe comme si l’échec commercial de films comme la fresque Nouvelle-France (2004), ou encore les scandales des « Minutes du patrimoine » — liés à celui des commandites — avaient servi de prétexte pour évacuer presque totalement l’histoire politique du petit et du grand écran.
Cette quasi-fin de l’histoire n’est pas le résultat d’un choix des artisans ou même du public. Pour ces arts dans lesquels des organismes interviennent lourdement à chacune des étapes de la production, la liberté artistique a quelque chose de relatif. Or, qu’entend-on dans les milieux des producteurs et des cinéastes ? « Les organismes ne veulent plus rien savoir de l’histoire. »
Des échecs — sur les plans artistiques et commerciaux — de films historiques (qui sont très coûteux), il y en a eu, certes. Mais tous les types de cinéma connaissent des ratés. Ces dernières années, de nombreuses comédies grand public, même celles portant sur des sujets sensibles — la langue, par exemple — portées par des acteurs très connus, ont lamentablement fait patate. Tout cet argent gaspillé sur des navets aurait pu servir à la redécouverte d’intrigues ou de personnages passés. D’autant que le cinéma se trouve souvent utilisé dans les classes aujourd’hui. Cela nous ferait du matériel scolaire ! Et les cinéastes talentueux ne manquent pas chez nous : en fin de semaine, c’est Denis Côté qui a obtenu un Ours à Berlin.
Certains rétorqueront que l’histoire ne vaut pas la peine d’être racontée au cinéma ; que c’est toujours une « histoire à dormir debout » ; qu’il est impossible de rapporter fidèlement un événement passé, tout étant toujours « biaisé ». Rien de surprenant ici : c’est l’extrême difficulté de l’histoire comme discipline, que ce soit dans les manuels ou au cinéma.
Au moins faut-il garder vivante la discussion sur la grande question « Que s’est-il passé ? ». Or, actuellement, à part quelques exceptions (Rouge sang, par exemple), ce qui s’offre aux Québécois passionnés d’histoire, qui veulent cultiver leur « Je me souviens », ce ne sont pratiquement que des récits états-uniens.