Économie - Le dessert d’abord

À entendre les commentaires des gens d’affaires, le Conseil des ministres du gouvernement Marois suscite beaucoup d’appréhensions parmi eux. De leur côté, les environnementalistes piaffent d’impatience de voir le Québec prendre un virage que personne n’avait vu venir. Difficile arbitrage en vue…

Il eût été surprenant d’assister à des éclats de joie de la part des gens d’affaires en apprenant la nomination de trois anciens militants du mouvement écologiste à la tête de ministères aussi importants que ceux du Développement durable et des Richesses naturelles. Confier la responsabilité de l’avenir énergétique, des forêts, des mines et même d’Hydro-Québec à d’ex-dirigeants d’organisations comme le Parti vert et Eau Secours !, il y a de quoi rendre nerveux !


Hier, Mme Marois a confirmé la fermeture de la centrale Gentilly-2 et sa ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a dit qu’elle ne voyait pas le jour où l’exploitation du gaz de schiste par technique de fracturation serait sécuritaire. Aussi bien dire qu’il est inutile de poursuivre les études en cours !


Voilà qui a de quoi rassurer les opposants à ces deux formes d’énergie et les gens qui habitent à proximité des zones visées par l’industrie. Pour l’industrie, c’est autre chose.


Est-ce à dire que le gouvernement s’opposera aussi à l’exploitation du pétrole d’Old Harry, au large des îles de la Madeleine, par des moyens traditionnels ? Tout dépendra des études, répond-on. Et des pressions qui ne manqueront pas de venir de l’industrie et du ministère des Finances et de l’Économie qui aura bien besoin de cet argent.


Difficile arbitrage au sein d’un gouvernement dont certains des ministres sont beaucoup plus convaincus que la moyenne des Québécois de l’importance pour la planète d’abandonner les hydrocarbures au profit d’énergies renouvelables, même au prix d’une injection massive de fonds publics et de nouvelles taxes.


Dans le secteur des forêts et des mines, la confrontation avec l’industrie est aussi à prévoir avec l’adoption d’une nouvelle version de la Loi sur les mines plus restrictive et plus exigeante.


De même pour les redevances qu’on a promis d’augmenter : là encore, le gouvernement a l’appui de la population, mais pas celle des sociétés qui tenteront de le convaincre que le Québec, ce n’est pas l’Australie.


Qui tranchera ? La ministre des Ressources naturelles ou son collègue du superministère des Finances et de l’Économie, qui a bien besoin d’investissements du secteur privé et d’emplois pour accroître ses revenus ? Surtout qu’en abolissant la contribution santé, le gouvernement s’est engagé à aller chercher le milliard perdu dans la poche des mieux nantis qui sont aussi, pour plusieurs, ces mêmes gens d’affaires.


Un gouvernement élu avec une majorité confortable utilise généralement la première année de son mandat pour adopter les mesures les moins populaires, celles qui font le plus mal aux électeurs. Cette fois-ci, à cause de son statut minoritaire, Mme Marois procède à l’envers : d’abord les mesures les plus populaires, au risque de s’aliéner les milieux d’affaires, et pour les mauvaises nouvelles, on verra plus tard. Après les prochaines élections !


Pourtant, ces milieux d’affaires qui ont rarement la sympathie populaire, on ne pourra longtemps les confronter. Il faudra bien tenter de les séduire à leur tour. Car si les gouvernements ont un rôle crucial à jouer dans toute économie développée, ils ne sont pas le moteur de la prospérité.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

À voir en vidéo