Procréation assistée - Bébé modèle?
Les yeux du monde rivés sur lui, le programme québécois de procréation assistée suscite l'envie, pique la curiosité, fouette l'enthousiasme d'autres nations, qui y voient une inspiration. Depuis son avènement en août 2010, l'accès gratuit à la FIV (fécondation in vitro) est une réussite qui se décline en taux de popularité, en baisse des grossesses à risque, en apparent retour au calme dans les unités de néonatalogie. Si nos éprouvettes font un tabac, alors, bravo.
Le dossier dont accouche aujourd'hui dans Le Devoir notre collègue Amélie Daoust-Boisvert raconte l'histoire d'une réussite qui repose essentiellement sur les épaules de médecins experts de la fertilité. Ceux-ci s'enorgueillissent avec raison de la baisse des grossesses multiples — davantage susceptibles d'entraîner la naissance de grands prématurés — sans que le taux de succès des FIV en pâtisse trop.Les enjeux bioéthiques étant trop souvent mis de côté lorsque la démographie pressure la machine à faire des bébés, on applaudit aussi à cette «obligation morale» que se sont imposée les spécialistes pour respecter le principe de l'implantation de l'embryon unique, en dépit d'une loi qui permet d'en implanter deux ou trois. L'infertilité allant croissant au Canada, cette précaution venue des experts est la bienvenue.
Y a-t-il un revers à cette médaille d'or? Dans les cliniques privées, où se pratiquent encore une grande partie des traitements de fertilité, le tarif consenti par cycle de FIV a été amputé du tiers après qu'une analyse comptable a convaincu Québec que ce paiement avait été surévalué. Stupéfaits, les médecins s'inquiètent des possibles effets néfastes liés à des changements financiers d'une telle ampleur. La qualité ne doit pas en souffrir.
Cette angoisse fait écho aux craintes du réseau de la santé qui, à l'approche du prochain budget Bachand, s'interroge sur l'impact sournois de tous ces nouveaux programmes lancés par le ministère de la Santé sans véritable financement additionnel. Sur l'accès universel à la FIV, par exemple, les plus grandes réserves sont venues non pas d'éteignoirs incapables de saluer les vertus d'un programme soutenant les couples infertiles, mais de tous ceux qui doutaient de la capacité financière du Québec de soutenir un tel choix, alors que tant d'autres urgences s'additionnaient.
La santé conservera-t-elle sa part de 5 % du budget, qui lui permettra de tout juste fonctionner, même si les dépenses réelles avoisinent maintenant les 6 %? Le secteur de la santé semble pécher par gourmandise: il accapare toujours la part du lion, mais en demande encore et toujours plus. Non sans raison! Le gouvernement multiplie en effet ces programmes-surprises auxquels le bon sens ne permet pas de s'opposer, condamnant le réseau de la santé à maîtriser ces projets vedettes à l'intérieur d'une enveloppe financière immuable.
Dans l'examen de ce succès, il y a donc encore matière à analyse, spécialement au chapitre du financement. Car si tout n'est pas mis en oeuvre pour garantir le déploiement du programme non seulement en popularité, mais surtout en qualité, cette réussite pourrait malheureusement se ternir.