Crise de l'euro - Déni de la démocratie
Les dirigeants européens voudraient favoriser le retour du populisme perclus d'accents fortement nationalistes, y compris les plus dangereux d'entre eux, qu'ils ne s'y prendraient pas autrement que ce qu'ils font actuellement. Ils voudraient gommer l'espace démocratique au profit du retour de la vassalité qu'ils feraient ce qu'ils font présentement. Ils voudraient organiser des émeutes qu'ils décideraient ce qu'ils décident ces jours-ci. Chose certaine, une question mérite d'être posée, méditée: assiste-t-on à la construction d'une europe a-démocratique ou, si on préfère, post-démocratique?
Que l'on y songe: en moins d'une semaine, deux gouvernements ont été renversés sans qu'il y ait eu d'élections ou qu'ils aient été battus à la faveur d'une motion de censure. Il s'agit évidemment de la Grèce et de l'Italie. En Espagne, des législatives ont été organisées bien avant le terme du mandat de José Zapatero qui a décidé l'accomplissement d'un hara-kiri politique en ne se présentant pas. Ce scrutin devrait consacrer le retour au pouvoir du Parti populaire, qui, signe d'une époque où l'abandon du politique est en passe de devenir la norme, a fait campagne non pas en avançant un programme de relance économique, mais bien en se présentant comme le meilleur administrateur d'un plan d'austérité fixé par Berlin, Paris et Bruxelles.Afin de faire passer la pilule au sein de populations tétanisées par la dureté des mesures, on a évidemment eu recours au paravent du «marketing communicationnel». Mais encore? Mario Monti, en Italie, et Lucas Papadémos, en Grèce, se sont engagés dans la formation de gouvernements dits de technocrates. Autrement dit, des gens dont on veut nous faire croire qu'ils n'ont pas de préjugés ni de partis pris idéologiques, des personnes qui jonglent uniquement avec des chiffres, jamais avec des mots, des individus qui sont la neutralité incarnée. Pfff... L'Europe nous donne le spectacle non pas de la politique de la misère, mais bien de la misère de la politique.
Des technocrates... Dans son édition d'aujourd'hui, Le Monde rappelle, à juste titre d'ailleurs, que Monti, Papadémos ainsi que le nouveau patron de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, partagent un point commun qui s'appelle Goldman Sachs. Prenons par exemple Papadémos, il fut gouverneur de la Banque centrale de Grèce au moment où la banque d'affaires américaine maquillait les comptes du pays. Jusqu'à tout récemment, Monti était le directeur de la section européenne de la Commission trilatérale. Draghi? Il fut vice-président de Goldman Sachs de 2002 à 2005, chargé notamment de la... dette des pays européens. Bref, tous ces parachutés appartiennent à cette élite mondiale pour qui l'exercice démocratique, la tenue d'élections, est un obstacle dont elle aimerait bien se débarrasser. Des idées, ces «technos» en manquent d'autant moins qu'ils ont pour objectif la concentration des pouvoirs entre leurs mains sur le mode du «Circulez, y a rien à voir»!