Salle de concert - Enfin!

Ce soir, quand s'élèveront les premières notes qui inaugureront la salle de concert tant promise, tant reportée depuis trois décennies, il n'y aura plus grand monde pour douter de sa pertinence, de son emplacement ou de sa faisabilité. C'est en soi, même à retardement, un succès à souligner.

Il vaut la peine de revenir non pas sur la première annonce officielle d'une salle de concert pour l'Orchestre symphonique de Montréal en 1983, mais sur la dernière, prononcée par le premier ministre Jean Charest en 2006. Salle il y aurait en 2011, et elle accueillerait 1900 spectateurs. Au fil des mois, M. Charest la classera même au rang des priorités de son gouvernement.

Pourtant, en cet été 2006, l'écho public est unanime de scepticisme devant cette nouvelle mouture du projet: l'annonce est considérée «follement optimiste», «que du vent pour l'instant», le délai de cinq ans est vu comme si long qu'il ne pourra qu'ouvrir la porte aux ratés... Le Devoir, lui, titre clairement: «Une salle hypothétique».

On comprendra que le premier ministre affiche ce soir une certaine satisfaction en participant à la soirée d'inauguration de cette salle qui n'a pas encore de nom. On peut chipoter sur le fait que seuls les lieux publics sont vraiment prêts, mais pas l'arrière-scène ni les bureaux, et que l'extérieur est encore à compléter. Le gouvernement a néanmoins tenu parole: un concert inaugural digne de ce nom peut avoir lieu.

On peut soulever, à juste titre, que l'édifice ne marquera pas l'histoire urbanistique de Montréal. L'audace qui a pignon sur rue coûte cher, suscite la controverse, donc est fuie comme la peste en nos temps politiquement mous. Ce n'est pas l'Europe ici: pas question de rêver à une salle comme celle de l'Elbphilharmonie, au toit en forme de vagues, qui se construit présentement à Hambourg! Et les années 60, qui nous ont vus oser la Place Ville-Marie ou Habitat 67, font bel et bien partie du passé.

Mais le Québec s'est si souvent contenté de bâtiments médiocres ou qui détonnent qu'on peut au moins soupirer d'aise de se retrouver avec un édifice dont «l'architecture extérieure se veut contemporaine, mais à l'abri des tendances», comme l'a déjà expliqué au Devoir l'un des architectes du projet.

Et puis, la salle elle-même a déjà séduit ses quelques visiteurs et les musiciens, premiers concernés, par sa beauté et son acoustique, que l'on voulait exceptionnelle et qui serait à la hauteur des attentes. C'est pour cette raison que tant de gens, depuis si longtemps, ont poussé pour une nouvelle salle, c'est donc sur ce point qu'il faut d'abord juger de la réussite du projet. À cet égard, l'enthousiasme est palpable.

Mais l'autre facette qui permettrait de vraiment mesurer le succès de l'aventure, c'est le bilan du partenariat public-privé qui a permis la construction de cette Adresse symphonique, une première en matière culturelle au Québec. On nous dit que le budget de 260 millions a été respecté, mais nous n'en connaissons pas la répartition précise ni le montage financier qui y a présidé. C'est là secret du partenaire privé, que Québec — donc nous — s'engage à payer pendant trente ans. Comment saurons-nous si nous en avons eu pour notre argent? Une fois la fête passée, il ne faudra pas perdre de vue cette question financière.

Mais comme les musiciens de l'OSM l'ont compris en acceptant hier de conclure, après des mois de négociation, une entente collective d'une durée de quatre ans, il est bien vrai qu'aujourd'hui, c'est la trêve. Car le moment est d'importance dans la vie de toute ville, et de Montréal en particulier: l'ouverture d'une grande salle consacrée à de la grande musique est un événement à fêter.

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