Présidence de l'Assemblée nationale - Fermeté requise
Yvon Vallières a fait le seul geste qui lui était permis en démissionnant de son poste de président de l'Assemblée nationale vendredi. Certes, l'air parlementaire est vicié, ce qui entraîne des répliques cinglantes et des attitudes jusqu'au-boutistes que se partagent allègrement opposition officielle et gouvernement. La seule façon pour un président d'en arriver à garder la confiance des députés, c'est de rendre des décisions inattaquables. La semaine dernière, M. Vallières n'y est pas parvenu.
À Ottawa, en dépit de tensions au moins tout aussi grandes qu'à Québec, on a vu Peter Milliken, président de la Chambre des Communes jusqu'au déclenchement de la campagne électorale, se pencher sur des sujets autrement plus délicats que celui, à Québec, des propos controversés tenus par la ministre du Travail, Lise Thériault. Mais M. Milliken avait développé une expertise solide des procédures parlementaires britanniques, reconnue même hors de nos frontières. Ses décisions faisaient loi.Dans l'affaire Thériault, fidèle à lui-même, M. Vallières a pour sa part cherché à jouer la carte de la réconciliation là où un argumentaire juridique était attendu. Ce qui a donné une décision confuse et contradictoire. La contradiction, c'est de reconnaître que la ministre, en mettant au défi les membres de l'opposition de ne plus venir demander des fonds au gouvernement pour leurs commettants sous peine d'être dénoncés, a fait preuve d'outrage au Parlement puisqu'elle menaçait ses collègues. Mais qu'il suffisait qu'elle explique ses propos, et non s'en excuse, pour pouvoir passer l'éponge.
Ce qui n'a pas empêché le président Vallières, en finissant de rendre sa décision jeudi, de rappeler aux députés qu'ils «ne peuvent être influencés, menacés ou entravés dans l'exercice de leurs fonctions parlementaires». Il n'y avait pas là de quoi devenir blanc de colère, comme l'a été Stéphane Bédard, leader de l'opposition officielle. Mais il y avait certainement confusion sur la véritable analyse de M. Vallières.
Or lorsque celui-ci a été invité, par le député indépendant Éric Caire, à préciser sa pensée, il n'a pu que relire l'article 212 sur les explications permises à un député, sans pouvoir s'appuyer sur un précédent qui aurait pu calmer le jeu. Ce fut alors au tour de l'ADQ d'insister sur la portée réelle de ce fameux article 212, au coeur de la décision de M. Vallières. Qu'a répondu celui-ci? Il l'a remerciée de son intervention!
Le Parti québécois allait déposer donc déposer mardi une motion de censure envers le président. M. Vallières, il le dit lui-même dans sa lettre de démission qu'il a envoyée à tous les parlementaires, a été «profondément blessé» de cette situation, en blâme M. Bédard. Il souligne d'ailleurs qu'en 33 ans comme député, jamais il n'a «connu un climat parlementaire aussi exacerbé». Mais sans dire que les torts sont à distribuer de tous les côtés.
Hélas, la réaction gouvernementale de vendredi, se basant sur cette critique, ne fera que raviver les feux déjà brûlants de la discorde plutôt que servir d'électrochoc pour un retour de la sérénité, pourtant promise aux Québécois lors de la rentrée parlementaire. Et il n'est pas sûr que l'Assemblée nationale cache un Peter Milliken en son sein.
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