Troubles de l'alimentation - Effets pervers

L'augmentation des troubles de l'alimentation chez les jeunes est alarmante, au point que l'on prédit un recul de la longévité canadienne. Par contraste saisissant, la société arrive avec un mal fou à mener les réformes qui s'imposent pour soigner ces maux de l'âme et du corps.

Au Canada, un adolescent sur quatre est obèse ou souffre d'embonpoint. Les taux d'obésité infantile ont eux-mêmes pris une ampleur qui affole, triplant en l'espace de 25 ans. À l'autre bout du spectre, les hôpitaux pour enfants sont préoccupés par l'anorexie et la boulimie de plus en plus précoce. Les deux phénomènes pourraient être intimement liés.

Dans la revue Pediatrics, en décembre dernier, le Dr David Rosen interpelle la confrérie des pédiatres, les invitant à dépister le plus tôt possible en cabinet les troubles de l'alimentation. Le professeur de l'Université du Michigan appuie cette recommandation sur des statistiques qui donnent froid dans le dos: aux États-Unis, entre 1999 et 2006, les hôpitaux ont enregistré 119 % fois plus d'hospitalisations d'enfants de moins de douze ans pour ces problèmes de santé mentale qui dévient sur les questions de poids. Au Québec, les spécialistes corroborent la tendance.

Certains avancent des explications qui doivent être analysées avec le plus grand sérieux: comme les effets pervers des campagnes de lutte contre l'obésité qui accentueraient, chez des candidats vulnérables, les tendances aux troubles alimentaires. L'hypothèse est déconcertante, mais crédible. Serions-nous en train d'encourager un problème en tentant d'en éradiquer un autre?

Il est vrai que la tendance est à l'obsession pour le poids idéal. Celle-là entraîne des parents de poupons à s'inquiéter si leur enfant «sort» des courbes de croissance! La même manie en fait sombrer d'autres dans l'excès de mises en garde à table, qui nuirait à l'atteinte d'un équilibre alimentaire. Des chercheurs ont même démontré que les efforts louables fournis par certains publicitaires pour montrer des modèles plus corpulents ont conforté les minces dans leur satisfaction d'être menus, mais ont découragé les plus replets, qui ont détesté voir leur reflet jusque dans l'espace médiatique. Pas simple!

Le culte de la minceur-maigreur, dont l'industrie de la mode est reine, donne des fillettes calculant leurs calories à l'heure de la collation. Ou des mannequins vedettes, telle la Canadienne Coco Rocha, 1,77 mètre et 51 kg, détrônée de certains défilés pour cause de... surpoids.

Dans le monde, l'épidémie d'obésité côtoie une hausse des troubles de l'alimentation, le tout sur fond d'obsession liée à l'image. Conscient de cette réalité, Québec vient de lancer un plan d'action sur sa Charte pour une image corporelle saine et diversifiée, dans une navrante indifférence. Il s'agit d'un pas honorable, mais d'un tout petit commencement. Espérons que la suite sera plus engageante.

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machouinard@ledevoir.com

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