Législatives américaines - Zéro à l'oral

La défaite des démocrates et du premier d'entre eux, soit le président Barack Obama, a été cuisante. C'est un fait indéniable. Reste qu'elle ne l'a pas été autant qu'anticipé il y a trois semaines encore, puisque le parti du président conserve la majorité au Sénat. Mince, il est vrai. Si mince que les deux prochaines années pourraient bien être celles de l'immobilisme.

L'édition 2010 des législatives s'est distinguée, l'intrusion du Tea Party aidant, par une violence inouïe. Au lieu de débattre ou d'exposer des solutions à l'aune du rationalisme, les uns et les autres, les républicains surtout, ont versé dans le dénigrement systématique. On rappelle cela pour mieux souligner combien est hallucinant le constat fait par les analystes de Project Vote Smart: 17 % seulement des candidats au Sénat, à la Chambre des représentants, aux gouvernorats et aux Parlements locaux ont accepté de répondre aux questions posées par les électeurs sur les défis auxquels ce pays doit s'attaquer.

Autrement dit, 83 % d'entre eux ont éludé ces questions. Le pire, c'est que les démocrates ont refusé de répondre dans une proportion plus imposante que les républicains. Ceci, ce vice, explique cela: ici et là, on note que l'une des causes majeures de la défaite, à l'ère de la quincaillerie informatique, est le déficit de communication de l'administration Obama et du peu de cas qu'il a fait de la pédagogie. Bref, le président et ses collaborateurs ont alimenté eux-mêmes l'image d'une administration éloignée, voire indifférente quant aux préoccupations des citoyens.

Sachant cela, on ne sera pas étonné que l'une des principales priorités de Pete Rouse, directeur de cabinet «officieux» d'Obama, soit de bouleverser la stratégie de communication. De modifier de fond en comble le profil d'une équipe qui n'est pas parvenue à ancrer dans l'esprit des électeurs la réalité suivante: les réformes effectuées par Obama depuis son installation à la Maison-Blanche s'avèrent, selon les historiens spécialistes de la présidence, aussi nombreuses et importantes que celles de Lyndon B. Johnson.

Sur ce flanc, celui de la communication, Obama aura d'autant plus besoin d'améliorations que les républicains n'entendent pas faire de compromis. Président de la Chambre des représentants, John Boehner vient de répéter, à propos de l'ordre du jour politique du président, que «nous allons faire tout ce qu'il faut, tout ce que nous pouvons, pour tuer, stopper, ralentir tout ce que nous pouvons». Si cette volonté de détruire ne faiblit pas, alors il est probable que l'on assiste à une répétition de 1995, soit la paralysie de l'État fédéral prévue par certains pour le printemps prochain.

Heureusement, Obama pourra compter et exploiter les contradictions des républicains. Prenons, par exemple, Boehner. Il veut réduire le déficit budgétaire de 100 milliards en prolongeant, entre autres choses, les privilèges fiscaux que George Bush avait accordés aux plus riches des riches. Outre les contradictions, Obama va probablement bénéficier, à l'instar de Bill Clinton en son temps, des divisions qui s'annoncent au Parti républicain. Plus précisément, dans un an, peut-être moins, Boehner, Mitch Connell et autres mandarins de cette formation vont se faire concurrence en vue de la présidentielle de 2012.

Cela étant, la semaine dernière, lors d'un entretien télévisé, Obama a confié: «Nous avons fait des choses dont les gens n'ont jamais entendu parler.» De cette prise de conscience, il faut espérer qu'elle se traduise par l'observation d'un des devoirs qui incombent à sa fonction: être au centre des débats, du combat.

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