Mouvements sociaux en France - Le dilemme
Le conflit qui oppose le gouvernement français aux syndicats sur fond de réforme des retraites vient d'entrer dans une phase aussi délicate que politique. Le président Sarkozy ayant annoncé qu'il n'est pas question de céder quoi que ce soit, il met les représentants des salariés dans l'obligation de choisir entre jeter l'éponge ou se radicaliser. Jusqu'à présent, les centrales CGT, CFDT et consorts ont évité que les rapports de force soient trop colorés politiquement en exigeant une négociation classique et non un rejet de la réforme.
Si hier la journée en fut une de répit, la suite s'annonce plus musclée, certains secteurs vitaux pour les activités économiques ayant décidé de poursuivre la grève. C'est le cas dans les trois quarts des raffineries et des ports, notamment le port pétrolier de Marseille où l'arrêt de travail en est à sa 17e journée. On calcule que si les travailleurs de Total et compagnie ne baissent pas les bras au cours des trois ou quatre prochains jours, il y aura pénurie de pétrole dans les stations-service au milieu de la semaine prochaine. À moins que le gouvernement décide de puiser dans les réserves de sécurité.Cela étant, pour bien mesurer l'ampleur du mouvement, voire de la grogne, deux faits doivent être précisés. Un, le taux de syndicalisation en France est le plus bas du monde occidental: 8 %. Deux, toute journée de grève se traduit par une amputation dans le salaire qui ne sera pas compensée par le syndicat puisqu'en France, il n'y a pas de fonds de grève. Autrement dit, lorsqu'on s'attarde au nombre de manifestants comme au nombre de manifestations depuis la rentrée, sans oublier celui des arrêts de travail ayant deux semaines au compteur, on ne peut que souligner le ras-le-bol du salarié.
À un degré tel que c'est à se demander si ce dernier ne va pas déborder les dirigeants syndicaux sur leur gauche. Jusqu'à présent, ces derniers ont gagné la bataille de l'opinion, ainsi qu'en témoignent les sondages qui affirment que 70 % des Français sont derrière eux. Le risque? Si durcissement il y a, si les transports sont perturbés jour après jour, si la pénurie de pétrole s'avère, alors il est écrit dans le ciel que ce soutien fondra comme peau de chagrin. Et ce, au bénéfice...
Au bénéfice de Sarkozy qui, en introduisant une réforme qui n'était pas inscrite dans son programme électoral de 2007, une réforme qu'il qualifie aujourd'hui de plus importante de son quinquennat, ne cache pas le calcul électoral qui se rattache. Plus précisément, en mettant la hache dans ce régime le président espère recueillir les voix des commerçants, des professionnels et autres catégories non concernées lors des élections de 2012. En greffant cette réforme à celle de la loi sur l'immigration, de l'expulsion des Roms, du débat sur l'identité internationale, Sarkozy confirme, comme si besoin était, que la «droitisation» tous azimuts a fait place au leurre de l'ouverture.