Registre des armes à feu - Une histoire à suivre

La dernière tentative de Stephen Harper de démanteler le registre des armes à feu a échoué. Par une majorité de deux voix, les partisans de son maintien ont emporté mercredi aux Communes un vote dont l'effet est de faire avorter l'adoption d'un projet de loi de député en ce sens. Pour autant, le débat n'est pas clos.

On peut reprocher bien des choses au premier ministre Stephen Harper, mais pas de ne pas avoir de la suite dans les idées. Dès la création du registre, son parti s'était élevé contre cette mesure qu'il entreprit de démolir, morceau par morceau, dès qu'il fut au pouvoir. Il décréta d'abord un moratoire sur l'enregistrement des armes d'épaule, puis lança une campagne dans les régions rurales favorables à l'abolition. Suivit le dépôt d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui put être mis à l'étude grâce à l'appui de plusieurs députés libéraux et néodémocrates craintifs de subir la foudre de leurs électeurs.

Bien que ce projet se retrouve désormais tabletté, le premier ministre ne désarme pas. Mercredi, il promettait de poursuivre sa croisade «jusqu'à la victoire finale». D'autres baisseraient les bras ou chercheraient une solution de compromis. Ce qui conduit le chef conservateur, ce n'est pas la popularité ou l'impopularité du registre auprès des électeurs. Il n'a que faire des appuis qu'il récolterait au Québec et en Ontario s'il cessait sa lutte. Sa motivation est cette idée de «moins de gouvernement» qui se trouve à la base de l'idéologie conservatrice. Idée qui l'a amené à abolir l'obligation de répondre au questionnaire long du recensement décennal de 2011. Cette attitude conduit à une polarisation excessive du débat. On ne peut être que pour ou contre. Il est quasi impossible de débattre de ses mérites ou démérites.

Ce qui a véritablement changé avec le vote de mercredi, c'est le rapport de force entre les trois partis d'opposition et le gouvernement. Les conservateurs avaient mis le chef du Parti libéral et celui du NPD dans l'embarras en annexant à leur cause une partie de leur caucus respectif. Ils avaient ainsi miné leur autorité sur leurs troupes et leur crédibilité auprès du grand public. Ils ne s'étaient pas gênés pour ridiculiser tout particulièrement Michael Ignatieff qui, depuis qu'il est chef du Parti libéral, avait échoué à quelques reprises à faire respecter ses directives par ses collègues. Mercredi, en ralliant tous ses députés, il a fait la preuve qu'il avait désormais bien en main son parti.

Cette autorité retrouvée redonne à Michael Ignatieff la capacité de jouer pleinement son rôle de chef de l'opposition. Le Parti libéral ne constitue plus ce maillon faible de la chaîne que forment les trois partis d'opposition et qui, chaque fois que les conservateurs menaçaient de tenir un vote de confiance, rentrait dans le rang. Ceux-ci d'ailleurs ont si bien compris que leur marge de manoeuvre est désormais réduite qu'ils ne dédaigneraient pas aller rapidement en élection avant que les libéraux deviennent une menace vraiment sérieuse et ne les privent de cette «victoire finale» évoquée par Stephen Harper. Car la seule façon pour le gouvernement d'abolir le registre des armes à feu est d'obtenir un mandat majoritaire. Comprenons toutefois qu'à l'inverse, la seule façon de le maintenir est d'élire un gouvernement libéral.

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